Affranchi des carcans de la tradition, le tango continue contre vents et marée à s’affirmer comme une musique ancrée dans le XXIème siècle. Une musique sûre de ses racines, certes, mais toujours créative et défricheuse en diable. La preuve ? Trois albums, ceux de Louise Jallu, de Tangomotán et de Tablao de Tango qui, chacun à sa façon, incarne une facette singulière de cet art porteña en constante mutation.
Le tango, une terre de créativité.
C’est un fait, depuis quelques années, les propositions audacieuses se multiplient dans le petit monde du tango. Une tendance ressentie autant au niveau des spectacles, avec des créations comme Tango y Tango ou Tango Secret, que sur disque avec des artistes tels que Peirani-Parisien, Fleurs Noires, Juanjo Mosalini, Tangomotán, Louise Jallu ou Tablao de Tango…
Le 8.03. Louise Jallu – Jeu
Francesita et Piazzolla 2021, ses deux premières opus, ont rapidement fait de cette jeune bandéoniste formée dès l’âge de cinq ans au Conservatoire de Gennevilliers l’une des musiciennes les plus en vue de la galaxie tanguera.
Avec ce troisième essai, Louise Jallu, creuse un peu plus le sillon de sa propre singularité, entre musique classique, musique contemporaine, jazz et tango.
Epaulée par une cohorte de musiciens – batterie, violon, piano, claviers, violon, violoncelle, guitare électrique – et portée par des arrangements audacieux, la bandéoniste délivre un album kaléidoscopique et d’une grande musicalité…
D’une relecture du Boléro de Ravel gorgée de personnalité à une milonga teintée de blues tout en passant par un bandonéon en Panavision embarqué bien malgré lui dans des cavalcades rock effrénées, Jeu s’affirme comme un album éclectique, érudit et plein de créativité…
Le 15.03. Tangomotán – Motán
À l’instar de Louise Jallu, les quatre membres de Tangomotán sont jeunes et ont de la suite dans les idées. Après s’être frotté au tango classique, puis au tango-rock aux côtés de Sanseverino, le quatuor fait de nouveau table rase en dégainant cette fois-ci un opus à la croisée du tango et de l’électro.
Sur Motán, la fusion entre acoustique et électro fonctionne à plein et ravira les inconditionnels des deux mondes. Et c’est bien de fusion dont il s’agit ici, non d’un simple collage entre esthétiques musicales.
Ainsi, les harmonies et les rythmes originels du tango s’étirent, se font boucles, s’ornent d’échos et de distorsions tandis que les montées acides prennent corps sous les staccatos furieux d’un bandonéon ou d’un violoncelle en fusion…
Sur des morceaux aussi incisifs qu’Armas ou Ambición, force est de constater que Tangomotán met le feu au dancefloor et accomplit haut la main sa mission.
Un album à découvrir en live le 26 avril au Pan Piper.
Le 5.04. Tablao de Tango – De Alcohol y Desamor
Né en juin 2022 à l’issue de la création « club de tango » à La Philharmonie de Paris, Tablao de Tango rassemble quatre solistes aguerris qui explorent le tango des origines, celui des bars interlopes de Buenos Aires au crépuscule du XIXème siècle.
Un tango sans ambages ni fioritures dans lequel le bandonéon – et c’est suffisamment rare pour être souligné – n’a pas droit de cité.
À la barre, les guitaristes Rudi Flores, Moscato Luna et Raul Kiokio, l’harmoniciste Franco Luciani et les chanteurs El Chino Laborde et Sandra Rumolino distillent une partition qui fleure bons les amours déçus, la solitude de l’exil et les sorties de bar agitées…
Au fil de De Alcohol y Desamor, nos solistes trainent leur blues lancinant sur Vuelvo al Sur, prennent des accents flamenco sur La Cumparsita, interprètent brillamment Astor Piazzolla avant de s’offrir une escapade à travers les vastes plaines argentines au terme d’une vibrante version de la Milonga de Don Taco de Cacho Tirao.
Un album qui respire l’authenticité, magnifié par son propre concept, le tablao, qui confère aux performances scéniques du groupe une aura très singulière.
Ils seront en concert le 27 avril au Théâtre de la Ville alors profitez-en !
Crédits photo principale : Louise Jallu © Grégoire Alexandre