Le 18 août sort en salles Summer White de Rodrigo Ruiz Patterson. Pour l’occasion, nous avons interviewé Rodrigo, qui revient dans ce passionnant entretien sur la genèse et le tournage de ce drame puissant et magnétique sur le thème de l’adolescence. Le jeune cinéaste mexicain dépeint avec un sens inouï de la mise en scène cette période charnière où les émotions sont à fleur de peau.
Rodrigo, le personnage principal de Summer White, est un adolescent dont l’univers personnel s’effondre quand sa mère invite son petit ami à venir vivre avec eux. Pour quelles raisons avez-vous choisi le thème de l’adolescence pour votre premier film ?
Dans un premier temps, je souhaitais faire un film sur mon expérience en tant qu’adolescent mais au fur et à mesure que nous travaillions le scénario avec Raúl Sebastián Quintanilla, nous avons rapidement réalisé que ma vie n’était pas si séduisante et qu’il fallait ajouter de la fiction à l’histoire pour que ça marche.
Le mot adolescent veut dire celui qui ne parle pas ou qui n’arrive pas à parler. Le fait qu’un adolescent puisse éprouver des émotions complexes comme l’amour ou la jalousie et ne trouve pas les mots pour s’exprimer était pour nous un point de départ très intéressant.
Le personnage de Rodrigo, d’une grande profondeur psychologique, est un jeune homme solitaire, replié sur lui-même. Comment avez-vous préparé ce rôle avec Adrián Rossi ?
D’abord, nous avons vu énormément de candidats pendant le casting, environ cinq cents enfants. Puis, une fois que nous avons trouvé Adrian, nous avons travaillé avec un coach, Marco Aguilar, qui l’a formé pour qu’il soit à l’aise avec le personnage.
De mon côté, en tant que réalisateur, nous avons beaucoup parlé ensemble pour voir un peu avec lui son vécu et comment ses propres expériences pouvaient l’aider à incarner Rodrigo. Nous nous sommes fait mutuellement confiance. C’est un gamin qui a très bien su s’emparer de l’histoire. Et surtout, il avait une envie folle de faire le film.
« Les cinémas sont l’un des seuls endroits où nous ne sommes pas en train de regarder sans arrêt notre téléphone »
Il n’a jamais lu le scénario même s’il avait, bien entendu, le schéma de l’histoire en tête. Nous avons travaillé chaque jour chaque scène avec beaucoup de concentration. Et il l’a très bien fait. En réalité, Adrian est un gamin qui bouge tout le temps. Il rit sans arrêt, il est très extraverti. C’est l’exact opposé du personnage de Rodrigo qu’il interprète dans le film…
Le feu a une signification clé dans le film, Rodrigo exprime sa douleur et ses sentiments destructeurs grâce au feu. Comment cette idée vous est-elle venue ?
Le feu est une idée qui m’est venue dès le départ. Dans le premier scénario, il faisait déjà partie de l’histoire. Dans le cinéma, à la différence de la littérature, on ne peut pas décrire ce qu’un personnage ressent ou même pense. Le feu est une façon d’évoquer les sentiments de Rodrigo.
Les silences dans le film sont presque plus importants que les mots ?
J’aime beaucoup les silences. Le silences à eux seuls expriment énormément de choses. Dans l’histoire, cela marche très bien, notamment avec le personnage de Rodrigo, un adolescent très introverti qui réprime ses émotions et qui a vraiment du mal à s’exprimer.
Et dans le reste des personnages il y a aussi un manque important de communication, les adultes savent qu’il y a un problème avec Rodrigo mais ils ne veulent pas faire face. Ils vivent leur relation sans se soucier de rien d’autre.
Les trois personnages principaux sont entourés d’un halo de tristesse, ils ont peur chacun de leur côté de perdre l’amour. Pensez-vous que l’amour est le moteur des histoires et aussi de l’humanité ?
Oui, complètement. L’amour est un déclencheur d’histoires et de vies. L’amour dans son sens positif, mais aussi dans celui plus négatif, qui provoque des sentiments de jalousie, de dépendance, de chagrin…Nous sommes tous des êtres sociaux en quête d’amour.
D’où vient le titre Summer White ?
Avec le scénariste, nous avons eu beaucoup de mal à trouver un titre. Et finalement, nous avons choisi Summer white, deux mots qui font partie d’un dialogue entre les trois personnages et font référence à la couleur d’une peinture pour rénover la maison. Nous l’avons choisi car c’est à ce moment précis du film que commence la décadence de cette famille recomposée.
Le film a été présenté à Sudance et sélectionné dans de nombreux festivals. Comment a-t-il été accueilli ?
Nous sommes très contents. C’était un film entre amis qui a dépassé tous nos espérances. Le public a été très réceptif à l’histoire, aux personnages, et nous avons beaucoup de retours positifs. Nous sommes satisfaits, même si le film a été quelque peu freiné dans son élan à cause de la pandémie.
Que signifie pour vous la sortie du film en France ?
Pour moi, c’est un honneur que le film puisse sortir ici. Le cinéma que j’affectionne le plus est sans doute le cinéma français. Dans le film, il y a beaucoup de références à ce cinéma. Par exemple, j’ai fait voir Les quatre cents coups à Adrián, pour lui montrer un peu la retenue que je voulais imprimer au personnage de Rodrigo mais il n’a pas vraiment aimé…(rires)
Les quatre cents coups, c’est un chef-d’œuvre. J’adore le personnage du gamin, c’est un film très libre et très honnête. Je trouve que la plupart du temps, le cinéma français est un cinéma intelligent avec des histoires qui nous parlent.
Après la pandémie, pensez-vous que le public va retourner au cinéma ou que Netflix et d’autres plateformes ont gagné la bataille ?
Je pense que cela dépendra du pays. En France, pays qui a inventé le cinéma, les français ont un lien spécial et du respect pour le cinéma sur grand écran. Au Mexique, il y a encore du public, mais je ne sais pas pour combien de temps. À titre personnel, je considère qu’aller au cinéma est quelque chose de précieux. À l’heure actuelle, les cinémas sont l’un des seuls endroits où nous ne sommes pas en train de regarder sans arrêt notre téléphone. Dans nos sociétés, il y a clairement un important déficit de concentration en raison du portable.
Quant à l’existence de plateformes, pour moi, c’est quelque chose de positif car la diffusion d’un film peut être démultipliée et il touchera au final plus de gens. L’idéal, c’est une coexistence intelligente entre cinéma et plateformes.
Que pensez-vous du cinéma mexicain contemporain ?
Les films de Cuarón, Iñárritu ou del Toro ne sont plus vraiment des films mexicains sinon des réalisateurs mexicains qui font des films américains. Je pense qu’il y a beaucoup de réalisateurs très intéressants au Mexique. C’est un cinéma très social car nous vivons une guerre très violente contre les narcotrafiquants. Et c’est tout à fait normal de voir ces sujets-là dans les films.
Pour ce qui est des films documentaires, je les trouve très bons.
En résumé, je dirais que le cinéma mexicain, est un cinéma très dynamique et varié. Le principal problème auquel nous devons faire face, c’est la distribution.
Quels sont vos prochains projets ?
En ce moment, je suis en train de me documenter pour un film dont l’action se situera au temps de la Révolution mexicaine. C’était la première révolution à caractère social du XXe siècle au Mexique. C’est une révolution qui a profondément marqué le pays. Je souhaiterais raconter l’histoire d’un point de vue féminin et évoquer surtout la vie quotidienne. Si Summer White était un projet très personnel, j’ai maintenant envie de me lancer dans quelque chose de complètement diffèrent.
Crédits photos : Destiny Films
Retrouvez ici notre chronique de Summer White.
FICHE DU FILM
- Titre original : Blanco de verano
- De : Rodrigo Ruiz Patterson
- Avec : Adrián Rossi, Sophie Alexander-Katz, Fabián Corres
- Date de sortie : 18 août 2021
- Durée : 1h 25 min
- Distributeur : Destiny Films