En prélude à son concert qui fera l’ouverture du festival Flamenco à La Villette le 9 juin prochain, nous avons pu interviewer Rocío Márquez, l’une des voix flamencas les plus marquantes et les plus aventureuses de la dernière décennie.
Tu seras sur scène à Paris le 9 juin prochain pour l’ouverture du festival Flamenco à La Villette. Après cette période si compliquée, remonter sur scène doit être une vraie joie ?
Cette année nous a apporté de nombreuses leçons. Bien sûr, cela a été difficile à bien des égards, mais cela a également apporté de belles choses. Par exemple, arrêter de jouer pendant un moment et revenir maintenant sur scène me permet de savourer plus profondément les sensations et les émotions que je ressens en chantant. J’ai renoué avec le plaisir et le sens profond qui m’ont fait choisir cette voie.
Comment as-tu occupé ton temps pendant cette parenthèse de plus d’un an ?
J’ai profité de cette année pour mon développement personnel et cela m’a aussi permis d’avancer sur différents projets artistiques. D’une part, avancer sur mon prochain album, qui est un projet qui m’excite particulièrement et qui, je pense, va surprendre pas mal de monde à sa sortie l’an prochain. Et d’autre part, j’ai pu collaborer avec des artistes que j’aime et admire, comme Los Hermanos Cubero et Cristian de Moret.
« C’était la première fois qu’un artiste de flamenco recevait une Victoire. Cela me rend très heureuse. »
Sur la scène de Flamenco à La Villette, tu interprèteras ton dernier album, Visto en el jueves. Depuis sa sortie, ton disque a connu un vrai succès critique et commercial, avec notamment la Victoire du jazz 2020 du meilleur album de musiques du monde en France et le prix du meilleur album de flamenco décerné par El Pais en Espagne. C’est une reconnaissance qui te touche ?
Oui, ça me touche énormément. Pour la reconnaissance de notre travail, de tout l’amour et de l’énergie que nous y avons consacré, et c’est également important pour une musique comme le flamenco, c’était la première fois qu’un artiste de flamenco recevait une Victoire. Cela me rend très heureuse car j’aime le flamenco et, sans aucun doute, ces reconnaissances peuvent aider à sa diffusion internationale.
Pourrais-tu nous présenter les musiciens qui t’accompagneront sur la scène de la Grande Halle de La Villette ?
Bien sûr, ce sont les mêmes musiciens que ceux qui ont enregistré l’album. Le disque et l’expérience live sont donc très fidèles. Canito est à la guitare, c’est un musicien avec une vision à la fois très vivante et ouverte de la musique. Il a été un pilier du projet car ses arrangements étaient essentiels pour développer le discours de Visto en el jueves. Il y a aussi Agustín Diassera aux percussions, qui a eu un rôle similaire à Canito. Sa façon de concevoir la musique, d’écouter, de proposer des textures, des dynamiques, va bien au-delà de ce que sont habituellement les percussions dans le flamenco. Enfin, Benito Jimenez fait un travail formidable avec la lumière et quand nous sommes en France, Julien Reyboz nous cisèle un son exquis.
Visto en el jueves revisite tout un répertoire de chansons, de palos flamencos et de musiques populaires. La génèse de cet album est particulièrement originale. Tu peux nous la raconter ?
La proposition initiale était de faire un exercice de mémoire. Ecouter des mémoires vives et plurielles en utilisant, en découpant, en assemblant, et finalement en remixant des chansons et des cantes, des palos et de la musique populaire qui ont un lien crucial à un niveau personnel : je les ai dénichés moi-même dans l’historique marché au puces « El jueves » de ma rue, la calle Feria de Séville.
Ton approche artistique est très libre, quand tu puises dans le répertoire traditionnel, ce n’est jamais « gratuit ». Il y a une vraie volonté d’inscrire ces morceaux dans une temporalité contemporaine. Cela explique t-il le fait que tu sois autant admirée par les « orthodoxes » du flamenco que par un public plus novice, qui n’en écoute pas forcément au quotidien ?
Dans ma carrière, j’ai beaucoup travaillé sur des projets qui me positionnent clairement en référence aux modèles du flamenco traditionnel et qui, dans le même temps, me permettent d’afficher ma curiosité et mes préoccupations. Je me permets d’explorer, de jouer, de trouver ce qui me représente le mieux à tout moment. Et je pense que c’est pour cela que l’on peut trouver dans mes concerts à la fois des fans de flamenco traditionnel tout comme des publics qui viennent du classique ou de la musique indé.
Pour conclure, j’aimerais revenir sur ta première grande scène à Paris, l’Olympia en première partie de Katia Guerreiro il y maintenant dix ans. Silence de cathédrale, tonnerre d’applaudissements, silence de cathédrale, tonnerre d’applaudissements…Comme le public, as-tu senti de ton côté que ce soir là, il se passait quelque chose de spécial ?
C’était un moment magique. Ce qui s’est passé était irréel. C’est ce que m’a susurré José Renato (NDLR : impresario de Rocío Márquez en France, décédé en 2014) et qui m’accompagne encore.
La rédaction de Que Tal Paris ? tient à remercier chaleureusement Nicolas Bonnard ainsi que toute l’équipe de Viavox pour leur aide précieuse apportée dans la réalisation de cette interview .
INFORMATIONS PRATIQUES
- TITRE : Flamenco à La Villette
- LIEU : Grande Halle, 211 Avenue Jean Jaurès, 75019 Paris
- DATES : Du 9 au 12 juin 2021
- HORAIRES : 19H
- TARIF : 10-32 €
- RENSEIGNEMENTS : www.lavillette.com
- TÉLÉPHONE : 01 40 03 75 75