À la croisée du jazz, de la musique classique et des musiques du monde, Renaud García-Fons redéfinit depuis plus de trois décennies le champ des possibles de son instrument de coeur, la contrebasse… Il évoque avec nous son tout nouvel album, Blue Maqam, qu’il présentera au public parisien le 11 février au Trianon. Un album qui, en mettant la voix sur le devant de la scène, tient une place toute particulière dans sa vaste discographie…


Vous serez le 11 février prochain sur la scène du Trianon pour présenter votre nouvel album, Blue Maqam. C’est un projet singulier dans votre discographie car le chant y est à l’honneur… Et pas à n’importe quel chant, puisqu’il s’agit de la voix de votre fille, Solea. Comment l’idée d’un tel projet est-elle née ?  

Jusqu’à présent, j’avais fait très peu de projets incluant la voix. Après de nombreux projets purement instrumentaux, j’ai eu envie d’apporter cette dimension lyrique à ma musique, l’idée étant de créer un répertoire dans lequel la voix, comme les autres instruments, puisse aller à la rencontre de différents style musicaux, tissant un lien naturel entre des traditions issues aussi bien d’Occident que d’Orient, d’où le titre de Blue Maqam.

J’avais également envie d’une musique sans frontières et quoi de mieux pour cela que de faire entendre une voix dans différentes langues, avec des textes courts, un peu comme des haïkus. Pour mener à bien un tel défi, j’ai immédiatement pensé à ma fille, Solea, car elle a développé depuis très jeune des techniques vocales associant à la fois le chant traditionnel en plusieurs langues au chant lyrique, mais aussi, comme dans mon album Cinematic Double Bass, au scat ainsi qu’à différents styles issus du jazz.

C’est un immense plaisir qu’elle ait accepté de me suivre dans cette aventure. Nous avions déjà travaillé un peu ensemble, mais avec Blue Maqam, on est passé à un stade bien supérieur. 

Sur cet album, Solea chante en huit langues, français, espagnol, arabe, persan, grec, hébreu, italien… et même en gaélique ! Son spectre vocal s’avère tout aussi étendu avec des changements de registres radicaux, du chant lyrique à des passages scat ultra rythmés… Elle est aussi versatile au chant que vous l’êtes à la contrebasse ?

Solea a en effet un talent particulier pour passer d’une langue à une autre, ce qui implique à chaque fois un positionnement vocal différent. Et effectivement, ce répertoire que nous avons conçu ensemble, l’amène à enchaîner des registres et des styles différents dans le but d’exprimer un riche panel d’émotions. 

Portrait du musicien contrebassisite jazz Renaud Garcia-Fons

« Dès le début de mon apprentissage de la contrebasse, j’ai rêvé que cet instrument avait potentiellement une vocation universelle… »

Pour ce concert au Trianon, vous serez accompagné de Solea au chant, mais aussi de Stéphan Caracci au vibraphone et de Jean-Luc Di Fraya à la batterie. Vous nous présentez les autres membres de  votre quartet ?

Stéphan Caracci au vibraphone est déjà un ancien compagnon de route, puisque nous jouons en trio depuis plusieurs années avec le projet La vie devant soi. Cette fois-ci, il a complété sa palette sonore avec l’ajout d’un marimba midi, ce qui l’amène à jouer avec virtuosité de deux claviers à la fois. Il enchaine ainsi mélodies, accompagnement, mais aussi grooves, se substituant ainsi par moment au rôle traditionnel de la basse, lorsque je joue par exemple à l’archet dans les aigus et que j’improvise. Grâce à sa versatilité et à son élégance de jeu, il peut être un orchestre à lui tout seul. 

Quant à Jean-Luc Di Fraya, c’est le percussionniste rêvé pour ce projet puisqu’il a intégré depuis longtemps dans son jeu différentes traditions comme le flamenco, la musique afro latine et le jazz, sans oublier les rythmes impairs venus d’Orient. C’est un expert en rythmes d’une très grande sensibilité qui sait jouer avec nuance d’un set de percussions spécialement adapté à ce répertoire. 

Au fil de votre carrière, vous avez continuellement exploré de nouvelles sonorités, du classique au jazz tout en passant par le flamenco, les musiques orientales, la musique grecque, des Balkans, sans oublier non plus les musiques de film, les musiques latines, etc.… Existe-t-il encore des territoires “vierges” sur lesquels vous seriez tenté de vous aventurer ?  

Des territoires musicaux vierges à arpenter, j’espère qu’il y en aura toujours, c’est une affaire d’imagination et d’inspiration, de soif ! Espérons que nous en aurons toujours !

Vous avez développé tout un arsenal de techniques – 5ème corde aiguë, archet jeté, etc. – qui ont permis d’élargir considérablement le spectre harmonique de votre instrument. À quel moment dans votre formation avez-vous eu l’intuition que la contrebasse pouvait explorer des territoires harmoniques plus vastes que ceux auxquels elle était traditionnellement cantonnée ?

Pratiquement dès le début de mon apprentissage de la contrebasse, j’ai rêvé que cet instrument avait potentiellement une vocation universelle. C’est dans ce sens que j’ai immédiatement travaillé, en essayant d’abolir toutes frontières, sans limite de style, en essayant de développer autant que se peut, différentes techniques de jeux pour établir des passerelles entre toutes les musiques que j’affectionne.

Vous jouez aussi, à un niveau plus modeste, de la guitare et du piano. Ces instruments ont-ils un rôle de l’ombre, notamment en ce qui concerne la composition ?

Je compose assez peu sur l’instrument et je ne pratique plus ni la guitare ni le piano depuis longtemps. En général, sauf cas particulier, les idées surgissent spontanément dans ma tête avec le nom des notes et je me sers ensuite du clavier pour écrire directement sur ordinateur, ce qui me permet à la fois de séquencer et d’éditer les partitions.

Classique, jazz ou même pop-rock, quel(s) bassiste(s) ou contrebassiste(s) vous émeuvent tout particulièrement ? 

Je dois dire que j’écoute assez peu les contrebassistes, mais plutôt toutes sortes d’instruments,  justement pour garder le plus de liberté d’imagination dans le domaine de la contrebasse. Néanmoins j’apprécie tout particulièrement Jaco Pastorius, Scott la Faro et bien sûr François Rabbath qui a énormément contribué à faire évoluer l’instrument.

Quels sont vos prochains projets ?

Encore rien de précis pour mes projets futurs. J’ai sorti deux albums en moins de trois ans, dont un double… Néanmoins, j’ai des envies d’orchestre symphonique et aussi de réaliser un album à partir des musiques que j’ai composé pour ce merveilleux film d’animation orientaliste de 1932 réalisé par Lotte Reiniger, Les aventures du prince Ahmed.

Crédits photos : Renaud García-Fons © Alexandre Lacombe


INFORMATIONS PRATIQUES


Affiche Renaud García-Fons au Trianon (2025)
  • ARTISTE : Renaud García-Fons
  • DATE & HORAIRE : Le 11 février 2025 à 20h
  • LIEU : Le Trianon
  • ADRESSE : 80 Bd de Rochechouart 75018 Paris M° Anvers
  • PRIX : 30-49 €
  • RÉSERVATIONS : letrianon.fr