Après avoir épaté la galerie à la Quinzaine des cinéastes (label Europa cinémas du meilleur film européen), Septembre sans attendre de Jonás Trueba débarque en salles pour clôturer magistralement un été riche en sorties cinéma. Au fil de cet entretien, le réalisateur madrilène évoque la genèse de ce qui s’avère être sa toute première comédie. Mais il nous parle également de sa nouvelle collaboration avec ses acteurs fétiches Vito Sanz et Itsaso Arana ainsi que du collectif de cinéastes Los ilusos.   


Comment vous est venue l’idée de réaliser Septembre sans attendre, un film qui traite de la fin de l’amour dans un couple, et de vous lancer dans votre première comédie, ou plutôt tragicomédie ?

J’avais tout simplement envie de rire un peu. De moi-même, de nous, « los ilusos », (maison de production indépendante dont l’un des fondateurs est Jonás Trueba, NDLR), de notre façon parfois ridicule de vivre la vie et de notre profession. Le film parle de l’amour en tant que couple, mais aussi de la façon de continuer à travailler quand on est ensemble depuis de nombreuses années. C’est un questionnement de tous ces points et je pense que c’est fait avec une touche d’humour salutaire.

Le couple principal est interprété par Vito Sanz et Itsaso Arana, avec lesquels vous avez travaillé à d’autres occasions et qui ont co-écrit le scénario. Comment s’est déroulé le processus d’écriture ?

Cela s’est fait naturellement. Je savais qu’ils allaient jouer le couple principal, il était donc logique de les impliquer dans le processus dès le début. Ensuite, sur le plateau, ils étaient très conscients de la façon dont la structure du film fonctionnait, du rythme et du ton. Ce ne sont que des avantages.

Portrait de Jonás Trueba

« Nous faisons du cinéma possibiliste, en essayant de ne pas devenir fous avec les absurdités qui entourent le monde du cinéma »

L’élément clé, celui qui donne aussi au film son aspect comique, c’est la décision du couple d’organiser une fête pour célébrer leur séparation, comme point d’orgue à leur histoire d’amour. D’où cette idée vous est-elle venue ?

Plus qu’une idée, c’est une phrase que j’ai entendue de la bouche de mon père (le réalisateur Fernando Trueba, NDLR) il y a de nombreuses années, avec sa tendance habituelle à fuir la tristesse et le drame. J’ai réalisé qu’il y avait dans ses mots toute une leçon de vie et je me suis dit qu’elle pourrait aussi être la prémisse d’un film.

Et de là, étonnamment, émerge un projet commun grâce auquel leur relation trouve un nouvel élan…

Oui, c’est d’ailleurs le paradoxe passionnant du film : plus ils réfléchissent à l’organisation de leur fête de séparation, plus ils se sentent unis, en communion.

Il y a aussi un film – sur lequel Ale, une réalisatrice, et Alex, un acteur, travaillent – dans le film. Que souhaitiez-vous révéler avec ce jeu entre fiction et réalité ?

J’ai voulu exprimer la confusion dans laquelle nous vivons parfois, entre notre vie et notre profession. Mais ne s’agit-il pas de la même chose ? Pour moi, elles sont un peu indiscernables et le film reflète ma façon de le ressentir.

Vous vous êtes inspiré de comédies américaines classiques. Quelles sont vos préférées ?

Pour n’en citer que quelques-unes, mes préférées sont The Awful Truth, His Girl Friday, The Philadelphia Story, The Lady Eve, Adam’s Rib… Et il y en a tant d’autres qui n’appartiennent plus à cette période classique de la comédie américaine. Ten de Blake Edwards est une comédie sur le remariage. Et même Viaggio in Italia de Rossellini a quelque chose d’un remariage, mais sans comédie. Nous nous abreuvons aussi de films comme celui-là, qui n’appartiennent pas au genre de la comédie classique.

Dans Septembre sans attendre, votre père, Fernando Trueba, interprète le père d’Ale, un rôle clé dans l’histoire. Comment s’est passée l’expérience de la mise en scène et du travail avec lui ?

Très amusante et passionnante. Il a apporté toute sa joie et son humour au tournage et il nous a beaucoup fait rire avec ses insécurités de jeune premier. Mais en même temps, il a tellement de cinéma dans sa tête qu’il sait être rapide et prendre les bonnes décisions au moment de la prise de vue.

Pouvez-vous nous parler de la philosophie de Los Ilusos, la société de production que vous avez fondée avec Javier Lafuente ?

Nous faisons du cinéma possibiliste, en essayant de ne pas devenir fous avec les absurdités qui entourent le monde du cinéma ; en d’autres termes, nous essayons d’être conscients de notre échelle illusoire, petite, presque semblable à une fourmi, et de tirer le meilleur parti de notre propre insignifiance. Dans notre site web, Los ilusos films nous essayons d’expliquer tout cela un peu plus en détail.

Retrouvez ici notre chronique de Septembre sans attendre de Jonás Trueba .

Crédits photo principale : Portrait Jonás Trueba © Pablo Hoyos