Après sa présentation au Musée d’art contemporain de Los Angeles (MOCA), le Musée Guggenheim accueille la première rétrospective européenne de l’un des pionniers de l’art vidéo, Paul Pfeiffer. Dans Prologue à l’histoire de la naissance de la liberté, l’artiste américain né à Honolulu en 1966 explore les images créées par les médias de communication de masse, diffusées à l’échelle mondiale en même temps qu’il interroge le visiteur sur son rôle dans la consommation de ces représentations.


L’expérience collective du spectacle dans l’œuvre de Pfeiffer

À travers une trentaine d’œuvres, de ses premières vidéos en petit format à ses grandes installations vidéo, le visiteur découvre vingt-cinq ans de création d’un artiste pluridisciplinaire hors norme. Paul Pfeiffer utilise en effet la vidéo, la photographie, la sculpture et l’installation pour aborder des sujets tels que la manipulation des images, la foule et le pouvoir ainsi que les questions d’identité et d’appartenance dans nos sociétés actuelles.  

« Qui utilise qui ? Est-ce l’image qui nous fait ou est-ce nous qui faisons les images ? » Voici l’une des questions que soulève Paul Pfeiffer qui s’intéresse parmi d’autres sujets à la création et à la manipulation des images diffusées à la télévision. Ainsi, dans son œuvre Rouge, vert, bleu (2022), sur un match de football de l’université de Géorgie, Pfeiffer concentre son attention sur la fanfare qui produit le son et la musique en direct et qui devient un générateur d’émotion pour la foule durant le jeu.

Effectivement, lorsqu’on assiste aujourd’hui à un spectacle de masse – qu’il s’agisse d’un concert, d’un match de football ou de basket-ball – notre moi personnel se voit subitement noyé dans la masse. Nous faisons alors partie intégrante d’un collectif, d’une entité qui génère sa propre dynamique. Sommes-nous vraiment libres dans de telles situations ? Les lumières, la musique, les chants, les hymnes, les drapeaux, tout est orchestré pour générer des sentiments permettant d’atteindre l’acmé du groupe.

Cette même idée est reprise dans Les saints (2007), ouvrage dans lequel Pfeiffer met en avant le bruit de la foule qu’il considère comme l’un des éléments les plus importants dans la construction de l’expérience collective et du sentiment d’appartenance. Les saints est une impressionnante reconstitution audiovisuelle immersive de la finale de la Coupe du monde 1966 entre l’Allemagne et l’Angleterre, remporté par cette dernière.

Ici, Pfeiffer a recréé le paysage sonore de ce grand événement sportif. Pour l’occasion, il a rassemblé un millier de personnes dans plusieurs salles de cinéma de Manille afin de regarder ce match de football historique. Puis, il a remplacé l’animation des supporters allemands et britanniques par les voix des Philippins.

Les SaInts (The Saints), 2007
Les Saints (The Saints), 2007 Sammlung Goetz, Munich | Múnich Vue de l’Installation : Paul Pfeiffer: The Saints, National galerie en Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart, d’octobre 2009 à mai 2010 © Paul Pfeiffer, Bilbao, 2024 – Foto: Jens Ziehe, Berlin.

Cinéma, icônes mondiales et religion

Tout au long de sa carrière, l’artiste américain s’est nourri d’images emblématiques de films hollywoodiens et s’est intéressé à la caméra en tant que dispositif. Cet intérêt se manifeste dans plusieurs de ses œuvres inspirées de films tels que Poltergeist ou Psychose comme la vidéo-installation Self-Portrait as a Fountain (2000). À noter que le titre même de l’exposition fait référence à un moment charnière de l’histoire des médias américains, lorsque Cecil B. DeMille y évoquait pour la première fois son film Les dix commandements, film le plus cher de l’histoire à sa sortie en 1956.

Stars de la pop, acteurs et athlètes et autres icônes mondiales sont largement représentées dans les œuvres de Pfeiffer. Ainsi, le visiteur découvrira notamment En direct de Neverland (2006), qui met en scène le roi de la pop Michael Jackson. Côté sport, le boxeur Muhammad Ali est au cœur de la trilogie Le long décompte (2000-01) ainsi que plusieurs joueurs de la NBA qui apparaissent dans une série des photographies sélectionnées pour cette rétrospective comme des figures divines ou des demi-dieux .

En direct de Neverland (Live from Neverland) (fotograma), 2006
En direct de Neverland (Live from Neverland) (fotograma), 2006 / Sammlung Goetz, Múnich © Paul Pfeiffer, Bilbao, 2024 Courtoisie de l’artista; Paula Cooper Gallery, Nueva York; carlier | gebauer, Berlín/Madrid; Perrotin; et Thomas Dane Gallery, Londres

L’empreinte de la religion et des images religieuses dans nos sociétés est aussi un autre sujet de prédilection de Pfeiffer. L’artiste a passé une partie de son enfance aux Philippines, une ancienne colonie espagnole particulièrement marquée par la religion. Pour cette exposition, Pfeiffer a élargi sa série Incarnateur (2018-aujourdh’ui), dans laquelle il collabore avec des sculpteurs de Séville, des Philippines ou du Mexique connus pour leurs sculptures en bois grandeur nature de saints et de figures religieuses. Dans cette série, Pfeiffer transforme l’icône de la pop Justin Bieber, qui s’est récemment déclaré nouveau chrétien, en une incarnation moderne de Jésus-Christ.

Voici une expo en tout point passionnante qui nous invite à réfléchir sur ce monde saturé d’images et sur ces spectacles de masse de plus en plus répandus.  

Crédits photo principale : Rouge Vert Bleu (Red Green Blue), 2022 – Vídéo monocanal- Courtoisie de l’artiste et Paula Cooper Gallery, Nueva York – Vue de installation: Red Green Blue, Paula Cooper Gallery, 12 nov. 2022 – 12 janvier, 2023 © Paul Pfeiffer, Bilbao, 2024


INFORMATIONS PRATIQUES


Les quatre cavaliers de l' Apocalipsis (Four Horsemen of the Apocalypse) (06), 2001-2018
Le quatre cavaliers de l’Apocalypse 2001-2018 / Courtoisie de l’artiste et Perrotin © Paul Pfeiffer, Bilbao, 2024- Courtoisie de l’ artiste; Paula Cooper Gallery, Nueva York; carlier | gebauer, Berlin/Madrid; Perrotin; et Thomas Dane Gallery, Londres
  • TITRE : Paul Pfeiffer. Prologue à l’histoire de la naissance de la liberté
  • LIEU : Museo Guggenheim de Bilbao
  • ADRESSE :  Abandoibarra Etorbidea, 2. 48009 Bilbao (Espagne)
  • HORAIRES : Du mardi au dimanche de 10h à 19h
  • DATES : jusqu’au 16 mars 2025
  • ENTRÉE : 7.50€ – 15€
  • RENSEIGNEMENTS : Guggenheim de Bilbao