« Tous les jours, je me réveille un peu avant l’aube, à cinq heures ou cinq heures et demie. À cette heure-là, tout est encore engourdi, comme si une douce torpeur s’était abattue sur la terre durant la nuit. Pour donner vie à la mort, Capote est venu dans ce lieu où conspirent les rêves et les paradis », écrit Leila Guerriero dès les premières pages de Le Fantôme de Truman Capote.
Ce lieu, c’est la maison Sanià, une bâtisse blanche aux lignes sobres se détachant des pins, construite dans les années 1930 dans le village de Palamós sur la Costa Brava par Nicolai Woevodsky, un ancien colonel russe, et sa femme, Dorothy Webster, une aristocrate d’origine anglaise. Ce couple est à l’origine de la construction d’autres résidences aux alentours, comme l’imposant Château de Cap Roig. La romancière et journaliste argentine arrive sur place sur les traces de Truman Capote, qui s’y est réfugié pour écrire, loin de la tumultueuse New-York, une partie de son bouleversant De sang-froid, œuvre fondatrice de ce que l’on appelle la narrative de non fiction ou le journalisme narratif.
Avec un esprit d’investigation semblable à celui qui, en 1959, poussa Capote à se plonger dans un fait d’hiver et à écrire l’histoire de deux hommes ayant assassiné une famille entière dans une bourgade de Kansas, Leila Guerriero signe un roman qui empreinte les chemins du journalisme mais égrène un langage littéraire qui frôle souvent le discours poétique.
En effet, elle fait avancer l’action grâce aux nombreux entretiens avec les villageois, des hommes et des femmes qui deviennent, au même titre que Capote, des personnages de l’histoire, comme Colomer, propriétaire de l’hôtel de Palamós et qui était proche de l’écrivain, ou encore Conxita Samsó, descendante des propriétaires d’une boulangerie dans laquelle l’auteur américain se rendrait régulièrement.

Voici une passionnante exploration du passage de Capote à la Costa Brava et du processus d’écriture de son chef-d’œuvre dont il exprimait lui-même sa genèse en ces termes : « Personne ne saura jamais le vide qu’a creusé en moi De sang-froid. Ce livre m’a ratiboisé jusqu’à la moelle des os. En un sens, je crois qu’il m’a tué. »
Retrouvez ici l’article sur le roman Les suicidés du bout du monde de Leila Guerriero.
Crédit Photo : Emanuel Zerbos (Portrait Leila Guerriero)
INFOS ÉDITEUR

- Titre original : La dificultad del fantasma, Truman Capote en la Costa Brava
- Auteur : Leila Guerriero
- Langue originale : Espagnol (Argentine)
- Traduit par : Delphine Valentin
- Publication : septembre 2024
- Éditeur : Editions Rivages
- Pages : 128