Pour son troisième long-métrage, le réalisateur américain Justin Lerner pose sa caméra au Guatemala pour une plongée viscérale dans la violence des gangs de rue. À l’affiche, la jeune actrice colombienne Karen Martínez, repérée il y a dix ans dans l’éblouissant Rêves d’Or de Diego Quemada-Diez, crève littéralement l’écran. Déjà primé à l’édition 2022 du Reims Polar Festival, Infiltrée est un film coup de poing dont les images imprimeront pour longtemps votre rétine.
Sarita, une sœur déterminée
Tout commence par l’intimité d’une chambre. Là, nous faisons connaissance avec Sarita et sa grande sœur Bea, bien décidée à l’emmener avec elle ce soir en soirée. Mais Bea a une idée en tête. Ce soir, elle doit avoir une conversation sérieuse avec son nouveau petit ami, Andrés, membre d’une mara, et souhaite que sa petite sœur soit dans les parages au cas où…
À l’issue d’un échange pour le moins houleux, les deux amants se séparent. Bea, passablement éméchée, s’embrouille dans la foulée avec sa petite sœur qui essaie tant bien que mal de la consoler. Cette dernière rentre alors seule à la maison tandis que Bea choisit de rester avec ses amies pour continuer à danser.
Le lendemain matin, Bea n’est pas rentrée et aucune de ses amies ne sait où elle se trouve. Suite au signalement de sa disparition auprès de la police locale, Sarita, dépitée par le peu d’intérêt que cette affaire suscite auprès des autorités, décide de prendre les choses en main… Elle retourne alors au bar et parvient, non sans mal, à tisser des liens avec Andrés. De fil en aiguille, en dissimulant son identité, elle se portera volontaire pour intégrer la mara dont il est l’un des principaux soldats et sera ainsi amenée à participer à des actions de plus en plus violentes afin de pouvoir mener de l’intérieur sa propre enquête et connaître enfin la vérité.
Un film choc sur les gangs au Guatemala
Avec Infiltrée, Justin Lerner nous plonge dans l’enfer des gangs guatémaltèques. Une plongée à hauteur de soldats, de ces jeunes adultes et de ces enfants pour qui la violence et la mort font partie du quotidien. « La vie ne vaut rien à Barrios. Tout le monde s’en fout de deux gosses morts » souligne ainsi l’un des membres de la mara.
Au-delà d’un thème choc, Infiltrée s’affirme également comme un très bel objet de cinéma : une mise en scène racée, qui maintient perpétuellement la tension, un plan séquence ingénieux, déployé comme un fil sur lequel se joue la vie d’un homme, des scènes d’action d’une violence crue qui explosent sous un soleil de plomb ou sous la lumière blafarde des néons.
Des scènes où toute velléité d’esthétisation est systématiquement évacuée, révélant ainsi le caractère irréel et hypnotique que de tels actes peuvent susciter chez ceux qui en sont les témoins. Sarita aura ainsi toutes les peines du monde à détourner les yeux du cadavre d’un chef de gang qui se vide lentement de son sang. Nous aussi.
Seule exception à cette règle, une scène finale très stylisée qui, en prenant à contrepied l’esthétique des éclats de violence entrevus auparavant, nous surprend autant qu’elle nous laisse sans voix…
Un cinéma tout en nuances, comme en témoigne également la palette de sentiments déployée au fil de l’enquête de Sarita. S’invitent alors dans cet univers impitoyable et mortifère des rapports humains plus complexes que l’on aurait pu supposer de prime abord, comme la solidarité féminine au sein de la mara, l’ambivalence des sentiments de Sarita et d’Andrés ou les confessions bouleversantes de ce dernier sur la signification de ses tatouages…
Crédits photos : L’Atelier d’Images (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : Cadejo blanco
- De : Justin Lerner
- Avec : Karen Martínez, Rudy Rodríguez, Pamela Martínez
- Date de sortie : 23 août 2023
- Durée : 2h 05min
- Distributeur : L’Atelier d’Images