Voici un film d’animation tout à fait singulier des réalisateurs Juan José Lozano et Zoltán Horváht qui a pour toile de fond la lutte armée des FARC en Colombie. Inspiré de la vie de Raúl Reyes, numéro 2 des FARC, le film a été tourné en studio avec des acteurs puis dessiné et retravaillé en images de synthèse à l’aide d’ordinateurs. Jungle Rouge est un long métrage d’une grande puissance visuelle qui s’intéresse à des sujets tels que la violence, le fanatisme et la lutte armée.
Colombie année 2002
Pour mieux comprendre ce film, il faut se plonger dans l’Histoire récente de la Colombie, un pays profondément marqué par la violence. Le film situe l’action en 2002, quand les Forces Armées Révolutionnaires, avec vingt mille hommes armés grâce à l’argent du narcotrafic, contrôlent le sud du pays en forêt amazonienne.
En dépit de sa puissance miliaire, la guérilla communiste est loin de conquérir le pouvoir. Après 40 ans de maquis, ces paysans sans terre qui ont décidé de prendre les armes dans les années 60, n’ont plus le soutien populaire dont ils bénéficiaient par le passé. En cause, leurs méthodes de lutte révolutionnaire pour s’emparer du pouvoir qui sont devenues, au fil des ans, de plus en plus violentes : destructions de villages par des attaques meurtrières, politique de prises d’otages à grand échelle, enlèvements contre rançons ou encore les dits otages « politiques », comme avec la célèbre franco-colombienne Ingrid Betancourt, maintenue en captivité pendant plus de six ans.
Le troublant Raúl Reyes
Le duo de réalisateurs dépeint de façon saisissante le commandant Raúl Reyes, numéro 2 des FARC, ainsi que le groupe de guérilleros que le suivent avec une foi aveugle dans la cause. Formé à l’école des cadres politiques de la RDA dans les années 70, le commandant est un exemple parfait de l’école idéologique des FARC et constitue son représentant le plus dogmatique.
Dans son camp, au milieu de la jungle et tout près de la frontière équatorienne, il reçoit les journalistes étrangers et des émissaires des gouvernements du monde entier, y compris ceux de la Colombie. En charge des négociations pour la libération des otages, il fait durer les « pourparlers », convaincu de garantir ainsi aux FARC une audience médiatique internationale.
Complètement déconnecté de la réalité, il a sombré dans la mégalomanie et est devenu un fanatique aux idées extrêmes, capable de tout pour arriver à ses fins, perdant de vue le bien-être du peuple qu’il dit défendre ou de ses propres compagnons de lutte.
Le choix de l’animation en image des synthèses s’affirme comme une réussite artistique totale : les couleurs, les textures, le grand serpent qui apparaît et disparaît comme une allégorie de la mort, tous ces éléments contribuent à créer une ambiance singulière dans cette jungle hostile, peuplée d’ennemis, dans laquelle évoluent dans une fuite en avant sanguinaire Raúl Reyes et ses hommes.