Après une carrière d’actrice riche de plus de cinquante films et un Goya remporté en 1991 pour son interprétation dans Ailes de Papillon de Juanma Bajo Ulloa, Sílvia Munt s’est lancée à l’orée des années 2000 dans la réalisation. À ce titre, elle se voit d’emblée gratifiée d’un second Goya, celui du meilleur court métrage documentaire pour son film Lalia (1999). En bonne compagnie, son nouveau long métrage de fiction en tant que réalisatrice, nous raconte l’histoire d’une adolescente appartenant à un groupe d’activistes qui lutte pour le droit des femmes dans le Pays basque des années 70.
Les onze de Basauri
L’intrigue d’En bonne compagnie s’inspire principalement du « Procès contre les onze de Basauri », soit la mise en accusation en 1976 d’un groupe de jeunes femmes originaires de cette ville auxquelles on reprochait d’avoir aidé durant les années tumultueuses de la Transition plus d’un millier de femmes à avorter.
Ces onze femmes, toutes issues de la classe ouvrière, se voient accusées de pratiquer des avortements clandestins, puis emprisonnées avant d’être jugées au fil d’un procès qui s’est étendu sur près d’une décennie. Leur combat, ô combien précurseur, a largement participé à la dépénalisation de l’avortement adoptée par l’Espagne le 5 juillet 1985, soit dix ans après la promulgation de la loi Veil en France.
Sílvia Munt a souhaité remettre sur le devant de la scène cette histoire qui, à l’époque, était passée relativement inaperçue au-delà des frontières du Pays basque : « Ce projet vient de mon compagnon. Il est Basque et il connaissait les femmes qui, en 1977 avec un groupe de féministes, ont été jusqu’à Biarritz pour avorter. Ensemble, ils avaient déjà fait un court métrage où ces femmes se rappelaient du danger et de la peur de ce voyage… On a alors commencé ensemble à écrire un film qui raconterait cette histoire. Lui, au Pays basque, et moi, à Barcelone. Comme par télépathie. Et on a accouché de ce scénario. » nous dit-elle.
Bea, une fille rebelle
Bea, la protagoniste d’En bonne compagnie, est une jeune adolescente anticonformiste prisonnière d’un quotidien morne dans lequel les femmes subissent leur destinée plutôt que d’en être les actrices. Par instinct de survie, Bea déclare alors la guerre à cette société archaïque qui ne lui offre aucun avenir : « Il y a aussi beaucoup de mon histoire dans le film – j’avais 17 ans en 1977 – et surtout dans Béa, la protagoniste. J’ai voulu construire le récit d’une adolescente coincée dans une époque où tout était exploité : les libertés syndicales, sociales et sexuelles… J’avais besoin de reconstruire comment était cette époque. C’est mon petit hommage à toutes les femmes de cette génération : pouvoir partager ce qui s’est passé, ce qu’on ne sait pas et les sortir du silence », ajoute ainsi Sílvia Munt.
En plongeant corps et âme dans la peau de cette jeune rebelle qui cherche sa place dans la société, Alícia Falcó crève littéralement l’écran. En effet, en l’espace d’un été, Bea, le personnage qu’elle incarne, découvrira tour à tour l’amour, la sexualité et la cause féministe. Pour la réalisatrice, la participation d’Alícia Falco au film fut très vite une évidence :
« J’ai su qu’Alícia serait Bea dès le troisième essai du casting. Il y a eu ce moment où elle a simplement écouté ce que disait son partenaire et je me suis automatiquement dit que ce serait elle. Elle a ce quelque chose qu’ont les grandes actrices : une figure magique qui capte immédiatement la caméra, énormément de force et de tendresse. Tout le film repose sur ses épaules et sa performance est magistrale. Bea est dans tous les plans, elle est comme mon alter ego. Même si Alicia est d’une autre génération, elle était réceptive à tout ce que je lui disais, avec beaucoup d’intelligence. »
Crédits photos : Damned Distribution (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : Las buenas compañías
- De : Sílvia Munt
- Avec : Alícia Falcó, Itziar Ituño, Elena Tarrats
- Date de sortie : 18 octobre 2023
- Durée : 1h35 min
- Distributeur : Damned Distribution