Sorti il y a tout juste vingt ans, ce troisième long-métrage du réalisateur mexicain bénéficie aujourd’hui d’une nouvelle sortie en salle dans une version entièrement restaurée. Une occasion unique de (re)voir sur grand écran cette œuvre hybride qui incorpore déjà tous les ingrédients qui feront rapidement de Guillermo del Toro l’un des grands cinéastes de ces deux dernières décennies.


PREMIÈRE RÉALISATION EN ESPAGNE

Repéré rapidement par plusieurs producteurs hollywoodiens pour sa parfaite maîtrise du cinéma de genre, Guillermo del Toro réalise en 1997 Mimic, une production horrifique très calibrée qui ne lui permet pas d’exprimer tout son potentiel. Il part alors pour l’Espagne réaliser L’échine du diable. En effet, impressionnés par son premier opus, Cronos (1993), Pedro Almodóvar et son frère lui ont proposé de financer l’un de ses projets. L’action de cette troisième réalisation se situera donc en Espagne au cours de la guerre civile et aura pour principaux interprètes Marisa Paredes (Talons aiguilles) et Eduardo Noriega (Ouvre les yeux). Le décor – et quel décor ! – est déjà planté.

À sa sortie, L’échine du diable connaîtra un franc succès critique et public et s’affirmera, au même titre que Les autres d’Alejandro Amenábar, comme la pierre angulaire du nouveau cinéma fantastique espagnol.

UNE HISTOIRE DE FANTÔME

En Espagne, la guerre civile fait rage. Le jeune Carlos, un orphelin d’une dizaine d’années, trouve refuge dans un orphelinat isolé au beau milieu de la campagne. Au centre de la cour, menaçante, se trouve une énorme bombe. Larguée d’un avion ennemi, elle n’a pas explosé. Une nuit, mis au défi par ses camarades d’aller chercher de l’eau, Carlos prend son courage à deux mains et se fait discret lorsqu’il s’agit de passer devant la demeure de Jacinto, le gardien passablement violent des lieux.

Une fois sur place, il entend d’étranges soupirs et découvre au sous-sol le fantôme d’un enfant mutilé…Qui est-il ? Serait-ce cet orphelin qui a mystérieusement disparu la nuit où la bombe est tombée ? Il délivre alors à Carlos un message funeste. Beaucoup d’entre eux vont mourir. Est-ce un avertissement ou une menace ?

UN FILM AU CONFLUENT DES GENRES

Sur la trame d’une histoire de fantôme assez classique, Guillermo del Toro déploie un récit plus complexe qu’il n’y paraît et à l’issue duquel les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Rien ne fera jamais plus froid dans le dos que la folie des Hommes…

Plus encore, Guillermo del Toro inscrit son long-métrage dans une dynamique hybride, à la croisée du film de genre et du film de guerre, se permettant même au passage des incursions dans le domaine du western à grand renfort de paysages arides, de lingots d’or et de crapules sans foi ni loi. Un véritable tour de force, tant cet empilement de références aurait pu rapidement s’avérer indigeste. Il n’en est rien.

Enfin, force est de constater que L’échine du diable est un film réalisé par un authentique amoureux du cinéma. Sans jamais piller ses illustres aînés, Guillermo del Toro puise son inspiration dans les films de Luis Buñuel, de Charles Laughton ou encore de Louis Malle. Ainsi, la sauvage cruauté de La nuit du chasseur ou l’innocence piétinée de Los olvidados ou d’Au revoir les enfants éclaboussent littéralement l’écran.

Vingt ans après sa sortie, L’échine du diable n’a pas pris une ride et constitue avec Le labyrinthe de pan un diptyque toujours aussi saisissant. « Ce conte sur des orphelins s’unissant contre le monde médiocre, pervers et brutal des adultes reste l’un de mes trois films préférés… » nous dit-il. Revoir L’échine du diable permet aussi de mesurer toute l’étendue du chemin parcouru par del Toro au long de sa carrière. En 2018, son Oscar du meilleur film pour La forme de l’eau résonnait comme un aboutissement. Sa vision d’un cinéma de genre à la fois populaire et exigeant, si tangible dans l’Échine du diable, s’est définitivement imposée.

Crédits photo : © 2001, 2001 Tequila Gang, S.A. de C.V. et El Deseo, D.A., S.L.U. Tous droits réservés.


FICHE DU FILM


Affiche du film L’échine du diable
  • Titre original : El espinazo del diablo
  • De : Guillermo del Toro
  • Avec : Marisa Paredes, Eduardo Noriega, Federico Luppi, Irene Visedo, Fernando Tielve, Iñigo Garcés
  • Date de sortie : 14 juillet 2021
  • Durée : 1h 47 min
  • Distributeur : Carlotta films