Opera prima de la réalisatrice argentine Agustina San Martín, To kill the beast raconte l’histoire d’Emilia, une jeune femme qui cherche désespérément son frère disparu. Dans une jungle enivrante où les peurs et les désirs les plus enfouis font surface, la protagoniste du film découvrira sa propre sexualité et surtout s’affirmera sans frémir devant les autres.
La jungle comme métaphore
L’action du film prend place en plein cœur de la jungle tropicale, quelque part au nord-est de l’Argentine à quelques encablures de la frontière avec le Brésil. C’est dans cet environnement luxuriant que débarque notre héroïne pour tenter de retrouver son frère Mateo disparu mystérieusement. Comme seule piste, elle n’a qu’un numéro de téléphone auquel personne ne répond. Emilia décide de s’installer provisoirement dans un hôtel décrépi, quasiment à l’abandon, qui appartient à sa tante Inès, incarnée avec brio par Ana Brun, prix d’interprétation à Berlin en 2018 pour Les Héritières.
Agustina San Martín se sert de la jungle comme d’une puissante métaphore. En effet, cette dernière représente nos peurs et cauchemars, mais aussi nos désirs et nos envies les plus secrets. Dans cette jungle exubérante, la nature règne en maître. Plantes et animaux semblent vivre paisiblement à l’abri de l’homme. Paradoxalement, les habitants de la ville la plus proche font courir une légende sur une bête monstrueuse qui y vivrait et qui serait l’incarnation d’un esprit diabolique.
Pour Agustina San Martín : « Il existe une multitude de cauchemars différents, propres à chacun d’entre nous. Les univers sombres, profonds, tropicaux ou gothiques en général me captivent. J’aime prendre des images de mes cauchemars et les redéfinir, les remodeler, les rendre belles. Cela a pour moi un effet guérissant. »
Tuer la bête
Tout au long de ce film plane l’idée d’émancipation de la femme. Cette adolescente qui se retrouve à un moment charnière de sa vie cherche certes son frère, mais au-delà de ça, elle souhaite trouver quelque chose d’essentiel à sa construction personnelle, sa propre voie et sa place dans ce monde. Pour continuer à avancer, elle doit d’une certaine manière « tuer la bête » qui se nourrit à parts égales des idées reçues de la société bienpensante et de ses propres peurs et craintes.
« C’est un exorcisme émotionnel…De ce point de vue-là, le féminin et l’horreur sont essentiels à ce film. On inculque aux petites filles qu’elles sont sans défense, qu’elles sont en insécurité dans la rue, dans une fête, ou même à la maison. C’est pour cela que j’ai toujours tenu à raconter des histoires où les protagonistes féminines apprennent leur propre force. Cela s’avère être une instance fascinante où le passage à l’âge adulte et la réalisation de sa propre puissance vont de pair. Je crois que c’est une petite épiphanie que connaissent beaucoup de jeunes filles. Surtout après des années à s’entendre dire que notre place serait surtout dans la passivité : il y a un moment dans nos vies où l’on réalise que l’on peut occuper autant de place que l’on veut, et c’est cela qui est au cœur de To kill the beast » Nous confie la jeune réalisatrice.
Crédits photos : Jour2fête (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : Matar a la bestia
- De : Agustina San Martín
- Avec : Tamara Rocca, Ana Brun, João Miguel, Julieth Micolta
- Date de sortie : 13 juillet 2022
- Durée : 1h20 min
- Distributeur : Jour2fête