Après Les filles du feu (2018), plaidoyer pacifiste qui suivait pendant sept mois le quotidien de combattantes kurdes en Syrie, Stéphane Breton met le cap vers le Chili et pose son regard sur une portion de côte désertique du nord du pays, là où le dessert d’Atacama se jette dans la mer. Avec Les premiers jours, le cinéaste et ethnologue nous invite à voyager dans un lieu brut, au paysage quasi lunaire, dont il parvient néanmoins à faire émerger une poésie et une humanité de tous les instants.
Au commencement était…
Dès les premières images, on comprend que cette plage à l’écran n’est pas une plage comme les autres. Ici et là, des bouts de ferraille, des carcasses de voitures, des morceaux de plastique et des objets en tous genres gisent sur le sable. Des chiens se baladent dans cette étonnante immensité pendant qu’une musique mystérieuse aux tonalités métalliques accompagne le tout.
Sous les pierres noires brillant au soleil s’entassent des algues aux formes singulières tels les bras d’un alien sorti de la mer. Le va-et-vient incessant des hommes transportant ces plantes marines dans des vieux véhicules rouillés, rythme la journée.
Comme l’évoque le titre, Les premiers jours, une impression de création de l’univers, de commencement originel, saisit profondément le spectateur. Pour le cinéaste, « dans ce petit coin du monde à mi-chemin de Mad Max et de la Planète des singes, où vivent des gens dont les gestes font parfois penser aux personnages de Jacques Tati, le cosmos se bat avec lui-même. Parfois c’est la caillasse qui l’emporte, parfois les vagues, parfois la rouille. Voilà de quoi parle ce film muet et sonore à la fois. »
L’humanité échouée sur une plage
Quelques ramasseurs d’algues se sont installés sur la plage dans des abris de fortune faits de tôles et de plastiques trouvés ici et là. La nuit, ils font du feu, cuisinent et regardent les étoiles en attendant le jour où le défilé des véhicules et des hommes reprendra de plus bel. Ils n’ont besoin de rien d’autre pour y vivre et y être heureux. Ils suivent ce cycle de la vie, comme la Lune suit la Terre, comme le printemps succède à l’hiver…
En cherchant le lyrisme dans ce lieu sauvage aux confins du monde, Stéphane Breton signe un documentaire à la beauté singulière qui a remporté le prix Marco Zucchi à la semaine de la critique au festival de Locarno en 2023. Avec sa caméra, sans un mot, sans un dialogue, il parvient à capturer ce bout d’humanité échoué sur cette plage où le temps semble infini, tout comme cette noria d’algues qu’ils s’acharnent à arracher à l’océan.
Crédits photos : Dean Médias (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : Les premiers jours
- De : Stéphane Breton
- Date de sortie : 12 juin 2024
- Durée : 1h14 min
- Distributeur : Dean Médias