Captivant travail que celui du journaliste et essayiste Daniel Schneidermann qui, dans son dernier livre, analyse les principaux titres de la presse des années 30. Dans son essai « La guerre avant la guerre, 1936-1939. Quand la presse prépare au pire », il parcourt méticuleusement le traitement de l’actualité de l’époque et arrive à la conclusion que les médias ont joué un rôle clé dans l’escalade de la violence. D’une certaine manière, la haine en mots a précédé et largement préparé le terrain à la haine des actes.
Dès le second chapitre, Schneidermann évoque le contexte troublant des années 30 en France et en Europe. Des années où s’est produite la montée des extrémismes qui ont déclenché une guerre que personne n’avait voulu voir venir…
« Les années 1930 seront longtemps restées dans le déni. En 1937 encore, le pavillon à croix gammée trône à l’Expo universelle du Trocadéro, six mois après que l’aviation allemande a réduit en cendres le village basque de Guernica. Les années 1930, c’est l’histoire persistante d’un évitement, d’une danse obstinée sur le volcan, d’une fureur de fêtards à ne pas voir le rhinocéros dans le couloir, alors que monte la voix rauque venue de Berlin, lointaine d’abord, noyée dans les crachotements de la TSF, et qu’elle se rapproche, cette voix enveloppante, caressante et furieuse, sature le monde, sème la panique sur le continent entier, jusqu’à l’Amérique. »
Tous les grands titres de l’extrême droite française de l’entre-deux-guerres, tels L’action française, Gringoire, Je suis partout, etc., sont étudiés par le journaliste, fondateur et animateur de l’émission Arrêt sur images. En effet, Daniel Schneidermann décortique la couverture des principaux événements de l’époque, depuis le suicide de Roger Salengro, ministre de l’intérieur de Léon Blum, où il pointe la mécanique du lynchage, les accords de Munich salués par la presse française en passant par la guerre d’Espagne qui fait la Une quotidiennement ou encore la Nuit de Cristal, tragiquement minimisée en France.
De l’origine de l’antisémitisme dans la presse de l’époque à la peur de l’étranger propagée par certains médias de nos jours, de la passivité de la presse modérée de l’entre-deux-guerres face au discours de haine de l’extrême droite à l’inaction ou la complaisance des nombreux médias contemporains face aux polémistes et journalistes extrémistes, Daniel Schneidermann pointe les surprenantes résonances des années 30 avec notre époque et clôt son dernier chapitre par une terrible affirmation : « C’est si facile de rentrer en guerre ! »
Crédits photos : Jérôme Panconi (Portrait Daniel Schneidermann)
INFOS ÉDITEUR
- Titre original : La guerre avant la guerre. 1936-1939. Quand la presse prépare au pire
- Auteur : Daniel Schneidermann
- Langue originale : français
- Publication : mars 2022
- Éditeur : Seuil
- Pages : 224 pages