Dans son dernier roman, José Manuel Fajardo s’intéresse à la haine, ce sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à quelqu’un et de s’en réjouir. On pourrait se poser beaucoup de questions sur la place de la haine dans nos sociétés et comment elle se répand comme une trainée de poudre. Baudelaire dans son poème intitulé Le tonneau de la haine écrivait déjà à son époque :
« La Haine est un ivrogne au fond d’une taverne, / Qui sent toujours la soif naître de la liqueur / Et se multiplier comme l’hydre de Lerne. »
À travers deux histoires qui se déroulent à deux époques distinctes, l’écrivain espagnol dresse le portrait de deux personnages rongés par ce sentiment destructeur et implacable. La première prend place au XIXe siècle dans le misérable quartier londonien de Soho avec Jack Willwood, un fabricant de cannes désabusé qui n’éprouve que du mépris pour les habitants de ce quartier et qui va s’enfoncer de plus en plus dans les bas-fonds de la ville.
« Sa haine était devenu aussi naturelle que sa respiration, un sentiment dépourvu de toute connotation morale, une seconde peau dont il n’avait même pas conscience. Il haïssait, jour après jour et sans mélange, et il déplorait avec la même constance la brutalité et le ressentiment ambiants, selon lui les principaux attributs de la plupart de ses concitoyens. »
Harcha est le protagoniste de la seconde histoire que Fajardo situe quelques mois avant les attentats du 13 novembre 2015. Le jeune homme d’origine algérienne habite dans la banlieue parisienne. Il n’arrive pas à trouver sa place dans la société et se transforme progressivement en un être habité par la colère et la violence.
« Dans ce cas-là, Harcha sentait grandir dans son cœur une haine semblable à celle de certains jeunes de son âge, qu’il voyait se rassembler à la sortie de la mosquée, l’air grave, la barbe naissante et noire, feignant sans doute une maturité qui les mettrait sur le plan que l’imam et ses idées enflammées. »
Avec ce roman d’une intensité volcanique, José Manuel Fajardo révèle sans fards jusqu’où l’être humain, animé par ses plus bas instincts, est capable d’aller. Une mise en garde contre l’exaltation des sentiments au-delà de toute rationalité qui est devenue monnaie courante de nos jours.
Crédits photo : Daniel Mordzinski (Portrait José Manuel Fajardo)
INFOS ÉDITEUR
- Titre original : Odio
- Auteur : José Manuel Fajardo
- Langue originale : Espagnol (Espagne)
- Traduit par : Claude Bleton
- Publication : octobre 2021
- Éditeur : Éditions Métailié
- Pages : 112