Photo Joe Bataan by unidentified artist
Joe Bataan in 1965 by Unidentified Artist © National Portrait Gallery, Smithsonian Institution

En 1967, un jeune homme de 25 ans signe l’un des albums les plus emblématiques de Fania Records. Né d’un père philippin et d’une mère afro-américaine, Joe Bataan a grandi à Harlem et s’est retrouvé très jeune membre d’un gang portoricain. Un entrelacs de cultures que seule la grosse pomme pouvait alors offrir et qui allait le propulser – après court un arrêt en case prison – au firmament de la latin soul.


UN COUP DE MAÎTRE

Un piano montuno bondissant, un cœur survolté qui clame « She smokes, hot hot » avant que ne déboule une débauche de cuivres et de percussions…Puis, à la sixième mesure, Joe Bataan entre en scène…Là, sa voix de velours tranche divinement avec la furia instrumentale ambiante. Suave comme une coulée de miel, elle est irrémédiablement soul. Cette tonitruante reprise du Gypsy Woman des Impressions qui ouvre le premier album de Joe Bataan contient tous les ingrédients qui feront de lui un artiste à part dans la musique latine et le maître incontesté de la latin soul.

Pourtant, quand il débarque à la fin des années 60, la latin soul, n’en est pas à son coup d’essai. Pete Rodriguez et son I Like It Like That, Johnny Colon avec Boogaloo Blues ou Joe Cuba avec Bang Bang ont frappé les premiers… sans même parler de Pete Terrace qui s’est déjà auto-proclamé roi du boogaloo.

UN ARTISTE VISIONNAIRE

Mais il y a chez Joe Bataan un je-ne-sais-quoi de différent, une voix, bien sûr, mais aussi et surtout un incroyable flair qui lui permettront de survivre aux écueils de la mode. Balayée par la salsa, la déferlante latin soul ne survivra pas aux années 70. Joe Bataan, si, enchaînant huit albums pour Fania Records. Des albums toujours ancrés dans leur époque, reprenant de-ci le funky Theme from Shaft d’Isaac Hayes, de-là le somptueux jazz-funk revendicatif de The Bottle de Gil Scott-Heron… En 1980, il sera même à l’origine du premier tube de rap planétaire, Rap-O Clap-O.

Visionnaire, Joe Bataan l’est déjà en 1967. Si Gypsy Woman comporte quatre excellents  titres typiquement boogaloo, il fait le choix avisé de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Gypsy Woman embarque ainsi deux redoutables mambos, Fuego et Campesino, un guagenco avec Sugar guagenco ainsi qu’une magnifique ballade soul, Ordinary guy, qui en toute logique ne devrait jamais figurer sur un album estampillé latino. Cette chanson deviendra pourtant l’un de ses plus grands hymnes et il la déclinera au fil des ans en de multiples versions.

Aussi incroyablement dansant que sincèrement touchant, Gypsy Woman est un album imparable qui parvient à retranscrire toute l’énergie et la diversité du East Harlem de la fin des années 60. Une musique latine sûre de son fait, ouverte sur le monde et prête à tout emporter sur son passage.

S’il ne fait pas encore partie de vos disques de chevet, écoutez-le. Il le deviendra sûrement.


FICHE ALBUM


Album Gypsy Woman de Joe Bataan
  • Titre : Gypsy Woman
  • Artiste : Joe Bataan
  • Date de sortie : 1967
  • Label : Fania Records