Qu’elles soient économiques, politiques, sociétales ou sanitaires, les crises ont ceci en commun qu’elles exacerbent puis cristallisent invariablement les opinions vers les extrêmes. Exsangue suite à deux années d’une crise sans précédant, l’Espagne tangue et une part significative de ses concitoyens entrevoit dans les discours radicaux de l’extrême droite les germes d’une solution à ses maux.
Une Espagne frappée durablement par la crise
Frappée d’emblée très violemment par l’épidémie de COVID-19, l’Espagne peine encore à se relever, en particulier dans des secteurs clés comme le tourisme ou des activités typiquement espagnoles comme le flamenco ou la tauromachie.
Si la tauromachie fait nécessairement débat aussi bien en Espagne qu’au-delà des Pyrénées, la détresse des éleveurs de taureaux est bien réelle tant les dettes qu’ils ont accumulées au fil des mois sont immenses.
Quant au secteur de la culture, il est également terrassé. En l’absence de touristes, les musiciens et chanteurs d’Andalousie ne parviennent plus à joindre les deux bouts comme l’explique avec émotion Curro Albaicín, l’une des grandes figures du flamenco de Grenade : « Ces dernières années, le tourisme dans la région a explosé et soudain, tout s’est arrêté. Tout est mort, il n’y a plus rien. Les touristes ne viennent plus alors que ce sont eux qui nous faisaient vivre. »
La tentation des extrêmes
À cette crise sanitaire aux conséquences économiques dévastatrices s’ajoute une crise politique. La colère des Espagnols à l’égard du gouvernement socialiste, jugé trop laxiste dans sa gestion de la crise, est mise à profit par le parti d’extrême droite Vox qui progresse sensiblement dans les sondages et engrange à présent jusqu’à 14% d’intentions de vote.
En allant à la rencontre des victimes de la crise sanitaire, ce court reportage permet de mieux comprendre les enjeux multiples qui traversent l’Espagne actuellement. Le fait de donner directement la parole aux cadres et aux militants de Vox permet également de lever le voile sur la stratégie insidieuse de ce parti qui, en surfant sur la crise, s’offre une légitimité à peu de frais et rallie dans des régions économiquement exsangues, comme l’Andalousie, de nombreux partisans.
Les caméras d’Arte jettent ainsi une lumière crue sur la dimension résolument nationaliste de ce parti né il y a quelques années à peine et qui s’est fait une spécialité de se nourrir des crises politiques, engrangeant dès 2018 ses premiers succès électoraux à la faveur de la crise catalane, une crise qui lui a permis de s’imposer dans de nombreux esprits comme le défenseur ultime de l’Etat unitaire espagnol contre les régionalismes de tous bords.
D’une crise à l’autre, le parti Vox prospère inlassablement et le marasme économique dans lequel surnagent bon nombre de petits entrepreneurs espagnols constitue un terreau fertile à l’enracinement de ses idées. Ainsi, du restaurateur désabusé qui a voté à gauche, à l’extrême gauche, puis à droite et qui ne sait plus vers qui se tourner au tenancier du bar Casa Pepe, ouvertement franquiste, qui explique tout de go que « les quarante années pendant lesquelles Franco était au pouvoir n’étaient pas aussi mauvaises qu’on veut nous le faire croire aujourd’hui », la montée en puissance de ce parti attrape-tout a largement de quoi inquiéter.
En trente petites minutes, cet édifiant reportage tourné en plein cœur de la pandémie de Covid-19 révèle avec nuance et objectivité les différents rouages qui mènent une partie de la population espagnole sur les chemins tentateurs de l’extrême droite.
Ce reportage de Marcel Mettelsiefen et Mayte Carrasco, disponible jusqu’au 3 février 2022 en cliquant sur l’image ci-dessous, pourra être complété par le visionnage de Vox, le retour de l’extrême droite disponible quant à lui ici.