Cent ans de solitude, roman emblématique de l’écrivain colombien et Prix Nobel de Littérature Gabriel García Márquez, prend vie sur petit écran grâce à cette ambitieuse adaptation produite par Netflix. Longtemps considéré comme inadaptable, notamment en raison de sa complexité narrative, ce roman culte s’est pourtant vu magistralement transposé en images grâce à cette série disponible depuis le 11 décembre dernier.


Macondo ou l’histoire d’un village imaginaire mythique

Cent ans de solitude relate l’histoire du village de Macondo, de sa fondation à ses heures les plus prospères jusqu’à sa décadence, à travers sa plus illustre famille de pionniers, la famille Buendía, que l’on suit sur pas moins de sept générations. 

José Arcadio Buendía et Úrsula Iguarán sont cousins et s’aiment d’un amour inconditionnel, mais un funeste présage plane sur eux. La mère de José Arcadio, notamment, prophétise que s’ils consomment leur relation, ils enfanteront des monstres, mi-hommes mi-cochons. Une nuit, José Arcadio Buendía tue en pleine rue un homme, Prudencio Aguilar, qui a eu l’impudence de se moquer de lui et de sa promise. Innocenté par le conseil du village car considéré comme victime d’une provocation, José Arcadio, mais aussi Úrsula, sont pourtant incessamment visités par le fantôme de Prudencio Aguilar qui ne parvient pas à trouver le repos. 

José Arcadio Buendía et Úrsula Iguarán, Cent ans de solitude, Netflix (2024)

Les deux cousins choisissent alors d’entreprendre un long voyage, par-delà les montagnes, pour commencer une nouvelle vie. Accompagnés d’un groupe de pèlerins prêts à les suivre dans cette exaltante aventure, ils finissent à bout de forces par fonder Macondo à quelques encablures seulement de cette mer des Caraïbes qu’ils cherchaient en vain jusque-là.

Pendant près d’un siècle, les habitants de ce village de la côte caraïbe colombienne vivent au rythme de leurs histoires d’amour impossibles, de leurs rencontres extraordinaires, de leurs deuils, d’étranges maladies surnaturelles et de bouleversements politiques majeurs.

C’est à un travail titanesque qu’il a fallu se livrer pour recréer si formidablement Macondo. En effet, trois versions distinctes du village ont été nécessaires pour illustrer son évolution à travers le temps, des modestes huttes initiales à l’opulence des maisons de la fin du XIXème siècle. Cette reconstitution, faite sous l’égide d’historiens, a aussi bénéficié de la collaboration de plusieurs musées colombiens. « Il s’agissait d’une décision formelle de notre part… Tout devait avoir l’air très artisanal, très analogique, capturé directement par la caméra » explique ainsi Laura Mora, l’une des réalisatrices de la série, au New York Times.  

decor de la serie netflix 100 ans de solitude (2024)
Image promotionnelle de la série Cent ans de solitude sur Netflix / Photo Instagram © Che Netflix

Le clan Buendía, entre amours impossibles, destins tragiques et mystères surnaturels

Marquée par une malédiction qui la condamne à vivre cent ans de solitude, la famille Buendía traverse des épisodes majeurs de l’histoire de son pays, la Colombie. Des épisodes pour la plupart tragiques, comme ces innombrables guerres civiles entre libéraux et conservateurs qui ont déchiré le pays tout au long du XIXème et du XXème siècle. 

Particulièrement fidèle au roman, la série se distingue aussi par ses nombreuses références au réalisme magique, ce courant artistique qui embrasse dans un même élan réel et surnaturel et dont Cent ans de solitude est une des œuvres les plus emblématiques. Un réalisme magique qui s’exprime à plein dans la relation entre José Arcadio Buendía et Melquíades, le chef d’une communauté gitane qui ramène à Macondo les nouveautés scientifiques de son temps. Les aimants pourront-ils, comme par magie, arracher l’or à la terre ? L’alchimie parviendra-t-elle à faire de José Arcadio un homme riche ? Quant à Dieu, peut-on capter son image à travers un daguerréotype ? Est-ce lui qui s’exprime à travers ce piano mécanique qu’Úrsula a fait venir de la capitale ?

La frontière entre la science et l’imaginaire, entre le réel et le fantastique, n’a jamais semblé aussi poreuse…  

Parmi les scènes fantastiques les plus marquantes, celles mettant en scène le fantôme de Prudencio Aguilar, de la peste de l’insomnie, de la pluie de fleurs jaunes annonçant la mort de José Arcadio Buendía ou encore du filet de sang traversant le village pour finalement parvenir jusqu’aux pieds d’Úrsula rendent compte à merveille de cette dimension onirique si centrale dans le roman.

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Pluie de fleurs jaunes sur Macondo / Cent ans de solitude sur Netflix (2024)

Une adaptation aussi ambitieuse que fidèle

Pour mener à bien l’adaptation de ce chef-d’œuvre absolu de la littérature hispanique, la production a bénéficié du soutien de la propre famille de Gabriel García Márquez, décédé il y a dix ans. Co-réalisée par l’Argentin Alex García López et la Colombienne Laura Mora, la série a été entièrement tournée en espagnol colombien avec à un casting d’acteurs latino-américains.  

Si l’adaptation suit scrupuleusement les grandes lignes narratives du roman, elle parvient toutefois à instiller son propre rythme pour s’adapter au mieux aux exigences du format sériel, sans pour autant recourir à des effets de manche ou des cliffhangers grossiers. Selon le site espagnol El Diario, « l’ensemble respire un amour profond et sincère pour l’œuvre originale. »

Saluant les moyens considérables déployés par Netflix, ce même site estime que la série pourrait raviver l’intérêt pour le roman emblématique de Gabriel García Márquez : « Le fait que Cent Ans de Solitude soit maintenant diffusé en ligne dans 190 pays constitue une grande avancée pour la littérature hispanique et pour les œuvres de fiction en général » se félicite ainsi le site d’information. 

Une série qui fait honneur à la plateforme américaine – accusée souvent de privilégier la quantité à la qualité – qui n’a rien à envier aux meilleures productions d’Arte, de la BBC ou de HBO.

Bande annonce de la série Cent ans de solitude (2024)