Formé en 2010 à São Paulo, Bixiga 70 s’est rapidement fait remarquer auprès des amateurs d’afrobeat bien trempé. Rien de plus normal, tant ses membres connaissaient l’Évangile selon Fela Kuti sur le bout des doigts… Mais dès leurs débuts, un je-ne-sais-quoi distinguait le combo paulista de la constellation de formations afrobeat qui poussaient à l’époque comme des champignons. Bixiga 70 avait envie d’écrire sa propre histoire, d’expérimenter, de renverser la table à chaque morceau… Avec ce cinquième essai discographique, le groupe va au bout de cette logique en délivrant son album le plus abouti à ce jour.
La folie afrobeat
Souvenez-vous, en 2000, un drôle de combo débarquait sans crier gare sur le label électro Ninja Tune… Avec Liberation Afrobeat Vol. 1, les new-yorkais d’Antibalas posaient les bases d’un revival afrobeat qui s’étirerait sur plus d’une décennie. C’était acté, chaque pays, chaque ville, chaque village aurait désormais son propre groupe de funk nigérian…
Une déferlante, certes, mais les formations capables d’affirmer haut et fort leur propre personnalité furent finalement assez rares. Il y eut bien entendu les précurseurs Antibalas, les rageux du Budos Band, le flamboyant SoulJazz Ochestra, les uppercuts envoyés par le fiston Seun Kuti, mais aussi les plus obscurs Nomo, car passer Moondog à la moulinette afrobeat est un vrai coup de génie…
Arrivé là, vous avez parfaitement compris où nous voulions en venir. Dans cette myriade de formations estampillées afrobeat, Bixiga 70 a aussi su tirer son épingle du jeu par sa capacité à se faufiler hors des sentiers battus, en injectant dans ses riffs made in lagos des bribes de jazz, de dub, de samba et de candomblé. Certains diront même qu’en dépit de ses profondes racines afrobeat, Bixiga 70 sonne résolument brésilien. Et ils ont bien raison…
Vapor, en quête de nouvelles sonorités
En sept titres seulement, Vapor s’affirme comme le témoignage d’un groupe qui a su se réinventer complètement. Tout commence par l’atmosphérique et vaporeux Malungu, qui déploie ses ailes sur près de trois minutes avant de passer littéralement le mur du son. Une basse lourde et des bricolages électro entrent en scène, suivis par une imparable mélodie jouée au glockenspiel, elle-même rapidement prise en chasse par une meute de cuivres rutilants. Un morceau bluffant, difficile à catégoriser, essayez d’imaginer les américains de Tortoise ou les écossais de Mogwai plongeant tête-bêche dans du funk nigérian pour vous faire une idée…
La suite de l’album nous réserve encore bien des extravagances, comme sur ce Na Quarta-Feira, qui aurait tout aussi bien pu s’intituler Expresso da Meia-Noite, tant ses synthés analogiques à la Moroder s’aventurent avec panache au plus profond de la jungle amazonienne, mais aussi sur le tachytardique Parajú, flashé sur les autoroutes du groove à plus de 150 BPM.
D’autres dingueries en rayon ? Vapor n’en manque pas et affiche un appétit tout particulièrement marqué pour les B-O de films obscurs. Écoutez l’oppressante intro de Marginal Elevado Radial, semblant tout droit sortie d’un film d’horreur italien des années 70 ou les arrangements très cop drama de Mar Virado, en prise directe avec les meilleures productions britanniques du genre, studios KPM et De Wolfe Music en tête, évidemment.
Un album épique à découvrir en live les 23 et 24 octobre au Duc des Lombards !
FICHE ALBUM
- ARTISTE : Bixiga 70
- TITRE : Vapor
- LABEL : Glitterbeat / Modulor
- DATE DE SORTIE : le 13 octobre 2023