En 1972, Malo, combo de San Francisco, prend le chemin des studios pour mettre en boîte son second album, le bien nommé Dos. À la barre, Guillermo « Jorge » Santana, le petit frère de Carlos Santana, signe l’un des albums latin rock les plus aboutis de l’histoire. En dépit d’une sortie sur le label Warner Bros et de la participation d’une vingtaine de musiciens tous plus excellents les uns que les autres, Dos n’engrangera qu’un succès d’estime et ne rentrera pas dans l’Histoire. Quelle indignité ! Cela n’engage que nous et vous faîtes comme bon vous semble, mais en ce qui nous concerne, nous n’échangerons pas notre baril de Dos contre deux barils de Soul Sacrifice et d’Abraxas…
Dans l’ombre de Carlos Santana
Le monde de la musique ressemble parfois à Highlander ou Game of Thrones : à la fin, il ne peut en rester qu’un… Pour ravir la couronne de Westeros, Jorge Santana partait de loin, ne publiant le premier album de Malo qu’un an après la mythique performance de son aîné à Woodstock. Tout avait pourtant bien commencé pour Malo, avec un premier opus à la croisée de la soul, du rock, du jazz et de la salsa qui avait généré un mini-tube, Suavecito, resté plusieurs semaines dans le Billboard 20.
Suavecito est un chouette morceau, tout comme le premier album de Malo est un chouette album, mais rien d’exceptionnel non plus. Sur ce premier effort discographique un peu brouillon, le groupe se cherche, tâtonne, ne parvenant pas à réellement fusionner les multiples influences qu’il revendique. Mais le potentiel est là, le public au rendez-vous et l’avenir s’annonce radieux.
Dos, l’album construit sur un ancien cimetière indien…
Quand un groupe signe une œuvre qui surclasse largement ses précédentes productions, il doit logiquement ravir la timbale et engranger un énorme succès, non ? Et bien malheureusement, c’est tout le contraire pour Malo, pour qui Dos s’annonce déjà comme le début de la fin… La faute à qui ? La faute à quoi ? Une absence de promo ? De relais radio ? D’un public versatile toujours par monts et par vaux ? Le mystère reste entier… Toujours est-il qu’avec Dos, c’est à la tête d’une véritable armada de dragons que Jorge Santana déboule sur Westeros, prêt à ferrailler pour le trône si convoité. Las, la bataille finale n’aura pas lieu, Dos se faisant vilainement trucider au coin du bois dans une intrigue annexe, son corps fumant, jeté sans ménagement dans les poubelles de l’Histoire…
Maintenant, prenez cinq minutes de votre temps pour découvrir ce formidable album. À quoi vous attendre ?
À une véritable furia de guitares, de rythmes et de cuivres dans un syncrétisme de tous les instants. Six morceaux de plus de cinq minutes qui tirent tous azimuts sur le rock, la soul, la salsa, le boogaloo…
L’édifice un rien chancelant du premier album est largement consolidé et le groupe s’affiche pleinement conscient de sa force et de sa maturité. La fusion des genres y est naturelle, fougueuse et spontanée. Fluides et accrocheuses, les compositions conservent ce petit grain de folie propre aux jams sessions qui les ont vraisemblablement enfantées. Le chant d’Arcello Garcia est extatique, les riffs et les solos de Jorge Santana redoutablement tranchants. Quant à la vingtaine de musiciens convoqués, ils jouent à tombeau ouvert des compositions en constante mutation qui, à chaque étape, recèlent des trésors de créativité.
Un album sans temps morts, d’une urgence absolue, mais encore et toujours cette drôle d’impression qu’un simple changement de virgule dans ce script maudit aurait suffi pour que Malo évoque davantage les sommets du latin rock plutôt qu’une marque de yaourts ou un mignon prénom breton…
Cet album de Malo est intégralement disponible sur la chaîne Youtube Underrated Gems. Un joyau sous-estimé ? C’est bien de cela dont il s’agit…
FICHE ALBUM
- Titre : Dos
- Artiste : Malo
- Date de sortie : Août 1972 – Réédition CD en 2016
- Label : Warner Bros. Records