À l’occasion de la sortie du film L’âge imminent, un portait intergénérationnel profondément humain, nous avons interviewé le collectif Vigília. Formé par six jeunes étudiants de cinéma à l’université Pompeu Fabra de Barcelone, ce collectif de cinéastes nous parle de la genèse de son premier long métrage qui s’est vu primé dans de nombreux festivals en Espagne et s’est aussi vu nominé au Prix Gaudí de l’Académie du cinéma catalan.
L’âge imminent raconte l’histoire de la relation entre Bruno et Natividad, un petit-fils et sa grand-mère qui vivent ensemble dans un appartement à Barcelone. Natividad perd peu à peu son autonomie tandis que Bruno grandit et découvre l’amour et le monde qui l’entoure… Pourquoi avoir choisi de traiter un thème intergénérationnel et profondément social pour votre premier long métrage ?
Comme il s’agit d’un film collectif, notre première intuition a été de chercher un thème qui interpellerait les six créateurs, un thème auquel nous pourrions tous nous identifier. Nous avons commencé à partager des préoccupations et des thèmes, en nous inspirant d’anecdotes, et c’est ainsi que nous avons découvert que les liens avec nos grands-mères et nos grands-pères était quelque chose qui nous reliait. En soit, le fait de grandir à tous les âges était quelque chose qui nous attirait dans la création du film.
De même, nous voulions qu’il corresponde à un portrait de notre réalité. Bien que le thème principal soit la relation entre deux personnages, le petit-fils et la grand-mère, nous avons toujours voulu montrer les préoccupations que nous avons au sujet de notre société, comme l’accès difficile au logement, la précarité de l’emploi ou le manque de perspectives pour les jeunes.
Dès le début, le film nous plonge avec réalisme dans le quotidien de Bruno et Natividad. Comment s’est déroulée l’écriture du scénario de cette histoire où il y a de l’amour, de la tendresse, de la complicité, de la lassitude mais aussi beaucoup d’humour ?
Dans le processus d’écriture, le plus important a été la création du lien entre Bruno et Nati. Pour cela, nous nous sommes inspirés de nos propres expériences, nous avons fait des listes d’anecdotes dont nous nous souvenions avec nos grands-mères et à partir de là, nous avons dessiné des situations vécues dans le film.
Nous voulions que celui-ci montre très clairement deux mondes contrastés. Le monde de Bruno, en expansion, avec des lieux extérieurs et beaucoup d’interactions avec les personnages. Et à l’opposé, le monde de Nati, plus solitaire mais très chaleureux, où l’on se sent toujours chez soi. Ces espaces sont unis par l’amour et la tendresse entre les deux personnages, mais aussi par l’usure et la dépendance d’une personne de moins en moins capable de se débrouiller seule, et de l’aidant qui n’a pas les outils pour s’occuper d’elle correctement.
En ce qui concerne le ton, nous avons toujours pensé faire un portrait de vie, avec ses ombres et ses lumières. C’est pourquoi nous recherchons l’humour à de nombreuses reprises. Dans le film, nous avons aussi traité une situation dramatique qui se produit très souvent et qui fait partie de la réalité de nombreuses familles, mais nous ne voulions pas tomber dans le mélodrame ou dans les larmes faciles.
L’histoire se déroule à Barcelone, une grande ville avec des situations sociales très différentes. Comment avez-vous souhaité filmer la ville de Barcelone ?
Dans L’âge imminent, nous montrons un quartier de Barcelone, le quartier de Nou Barris, qui n’est généralement pas représenté dans les fictions et qui, s’il l’est, est particulièrement stigmatisé. Nous voulions dépeindre une périphérie aussi réelle que la vie elle-même, la beauté des rues et la grande générosité des voisins qui nous ont ouvert leurs portes pour le tournage en toute confiance.
C’est un quartier doté d’une forte présence associative, ce que nous avons voulu montrer à travers la batucada et la fête populaire, Sant Xibeco, qui est montrée à l’écran de la même façon que dans la vie réelle.

« Pour les petits projets comme le nôtre, qui est né d’un projet de fin d’études à l’université, les prix symbolisent un moyen d’entrer dans l’industrie cinématographique et d’obtenir une reconnaissance… »
En tant que collectif, vous revendiquez une manière différente de faire des films, dans laquelle la prise de décision se fait en groupe. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez travaillé aux différentes étapes du film ?
La chose la plus importante dans la création collective est le respect et la confiance dans le point de vue de l’autre. Nous cherchons tous le meilleur pour le projet et mettons de côté notre ego en faveur d’un point de vue collectif.
Pour nous, ce type de création s’est fait naturellement. Dès la première idée, nous avons suivi une dynamique de collaboration pour toutes les décisions du film. À chaque étape du projet, nos rôles créatifs ont évolué, mais nous avons toujours maintenu une certaine horizontalité. Nous avons discuté et débattu de chaque décision.
Vous avez reçu des prix au festival de Malaga et au festival de Gijón. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Pour les petits projets comme le nôtre, qui est né d’un projet de fin d’études à l’université, les prix symbolisent un moyen d’entrer dans l’industrie cinématographique et d’obtenir une reconnaissance. Ils permettent à d’autres festivals de vous remarquer et, dans notre cas, nous avons même été repérés par l’Académie du cinéma catalan.
Si l’on considère l’ensemble du processus dans sa perspective, nous pouvons dire avec certitude que nous ne pourrions pas être plus heureux et plus enthousiastes quant à l’état d’avancement du film. Le fait qu’il soit sorti en salles en Espagne et qu’il sorte maintenant en France nous semble extraordinaire.
Retrouvez ici notre critique du film L’âge imminent.
Crédits photo principale : Portrait de collectif Vigília © Outplay Films