Musicienne, compositrice, chanteuse, écrivaine… Nous avons rencontré la talentueuse et pétillante Olivia Ruiz, une artiste qui n’a de cesse de nous surprendre ! Elle évoque avec nous dans cet interview sa participation au film Hola Frida de Karina Vézina et André Kadi actuellement au cinéma. Elle interprète le personnage de Frida Kahlo adolescente, adulte et la voix de l’amie imaginaire.
Que représente pour vous, en tant qu’artiste, la figure de Frida Kahlo ?
Depuis mon enfance, Frida Kahlo est un guide pour moi. On peut dire d’une certaine façon qu’elle me poursuit depuis toujours. Et quand je l’oublie, elle revient dans ma vie. J’ai interprété des Correspondances avec Diego dans le cadre du Festival des correspondances de Manosque sous la direction de Jérémie Lippmann, un metteur en scène incroyable. Ensuite, j’ai eu des propositions pour incarner Frida au théâtre à plusieurs reprises.
Malheureusement, à chaque fois, une question de planning m’en empêchait, mais l’envie a toujours été là. Et aujourd’hui, je suis impliquée dans ce beau projet, Hola Frida. Il y a quelque chose qui me ramène tout le temps à elle, comme s’il y avait là une façon de ne pas oublier la chance qui est la nôtre. Comme si elle était là, toujours prête à me dire dis donc, ça pourrait être pire, dis donc tu as la force de sortir de là, dis-donc, si moi j’ai pu, toi aussi tu peux… Au fil du temps, Frida Kahlo est devenue une petite voix intérieure.
Vous interprétez le personnage de Frida adolescente et adulte ainsi que la voix de son amie imaginaire. Comment avez-vous préparé ces rôles ?
Comme je vous disais tout à l’heure, Frida est cachée en moi quelque part. Je suis juste allée la réveiller. Pour l’amie imaginaire, il y a quelque chose de plus grave, comme si elle était la facette la plus mature de Frida, comme la voix de la raison. Quant à la voix de Frida adolescente et adulte, elle est un peu plus légère, même si on perçoit une petite touche sombre à l’arrière. Frida a une grande volonté de vivre et je voulais aussi révéler cette joie, cette volonté de vivre qui l’anime.
J’ai travaillé étroitement avec Laetitia Pansanel-Garric, la compositrice de la musique du film qui a fait un travail extraordinaire.
Vous avez également composé le générique du film de façon assez spontanée…
La mélodie m’est venue assez spontanément. En revanche, pour les mots, j’ai beaucoup tourné autour. J’ai fait plein des versions, en espagnol, en français, une version franco-espagnole. J’ai souhaité que ça reste le plus compréhensible pour tout le monde, que les enfants ne butent pas sur des mots. Il a fallu s’adapter pour rendre certaines choses accessibles aux enfants, sans pour autant diluer leur sens.
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« Frida a une grande volonté de vivre et je voulais aussi révéler cette joie, cette volonté de vivre qui l’anime…»
Vous avez une double culture franco-espagnole. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Malheureusement, je ne l’ai pas, cette double culture ! C’est tout le drame de mon existence, mais en même temps, c’est le moteur de ma création. Mes grands-parents ont beaucoup souffert du rejet quand ils sont arrivés en France, les trois qui m’ont donné leurs origines espagnoles. Ils ont refusé de partager cette culture et leurs origines jusqu’à leur mort.
Je me rappelle la première fois que j’ai chanté en espagnol, j’avais 8 ans, avec mon père, on s’est regardé et d’un coup, le temps s’est arrêté. L’accent espagnol est revenu presque tout de suite et ma voix est devenue plus grave. Rien que d’en parler maintenant, j’ai des frissons. J’ai demandé à mon père d’où venait cette tristesse qui s’invitait dans ma voix et quelle était cette histoire qu’on n’évoquait pas. C’est à ce moment-là que ma quête commence.
D’abord, je me tourne vers mes grands-parents, je les embête, je leur pose des questions. Ma grand-mère paternelle me répond avec des larmes et du côté de mes grands-parents maternels, les deux me demandent d’arrêter, de ne pas remuer la souffrance. Ils me disent, tu es française, il n’y a pas de réponses à trouver là. Il ne faut pas aller réveiller la douleur, les fantômes.
Après, c’est devenu une quête plus personnelle, j’ai écrit mon premier livre, j’ai chanté en espagnol car je sentais que ça le remplissait de bonheur. Je ne jamais eu cette transmission, je n’ai jamais vécu cet héritage, je me suis rapproché de cette langue et de cette culture par mes propres moyens à l’époque.
Vous avez aussi sorti en 2024 un album, La Réplique, où l’espagnol est plus présent que jamais…
Oui, effectivement, dans ma famille, l’espagnol a sauté une génération. Mes parents, mes oncles, mes tantes ne s’y sont jamais intéressé, ils sont restés dans ce qu’on leur avait imposé. Cependant, mes cousins, mon frère et moi, on ressent tous quelque chose de très fort, un besoin d’effectuer un travail de résilience a posteriori ou par procuration. Il y a comme une sorte de volonté de réconciliation…
Vous avez commencé votre carrière dans la musique, mais vous êtes aussi écrivaine. D’où vient cette envie d’écrire ?
Ce n’était pas vraiment mon envie. Et ce n’était pas non plus mon idée. C’était l’idée de Mathias Malzieu, qui est romancier et qui a été pendant sept ans mon compagnon. Il m’a toujours dit que j’étais une romancière qui s’ignorait. Et puis, quinze ans plus tard, un jour, il vient me voir. Je n’étais pas très en forme et il me dit : « maintenant, tu dois écrire ton livre ». Suite à ça, son agent littéraire m’a appelé, il avait retrouvé l’une de mes nouvelles intitulée La commode aux tiroirs de couleurs. D’après lui, c’était le moment pour moi de commencer à remplir les tiroirs. Je me suis lancée, d’abord par respect pour lui et pour Mathias, mais petit à petit, j’ai vraiment pris goût à l’écriture.
Retrouvez ici notre chronique de fim Hola Frida.
Crédits photo principale : Portrait de Olivia Ruiz © Ilan Brakha