Mayra Andrade, Lura, Sara Tavares, Elida Almeida, Neuza… Une chose est sûre, l’archipel du Cap-Vert regorge de chanteuses de grand talent. Parmi celles-ci, une jeune femme se distingue depuis plusieurs années par ses renversantes interprétations de mornas et de coladeiras, des styles musicaux que le grand public découvrait il y a trente ans grâce à Cesária Évora. Avec Moda Antiga, son troisième album studio, Lucibela confirme qu’elle est bel et bien l’une des grandes héritières de la Diva aux pieds nus, mais aussi qu’elle parvient à porter cet héritage en suivant sa propre voie.
Moda Antiga, un album à l’ancienne ?
Avec ce troisième album dont le titre signifie peu ou prou « À l’ancienne », Lucibela s’est investie d’une mission, celle de plonger au plus profond des traditions musicales de son pays afin de les honorer, mais aussi de les préserver…
Ce patrimoine immatériel dont elle est l’une des grandes ambassadrices serait-il menacé d’extinction ? Non, pas encore, mais force est de constater qu’il est « davantage valorisé à l’extérieur que sur notre propre sol… Nous n’avons pas de conservatoires ni d’écoles de musique pour assurer cette protection et cette transmission aux nouvelles générations… Je m’en fais quelque part un devoir » explique-t-elle.
Moda Antiga s’affirme ainsi comme un parfait vade-mecum des traditions musicales cap-verdiennes, convoquant pour l’occasion la fine fleur des musiciens de l’île pour une poignée de chansons habitées par de très grands noms tels que le poète créole Manuel de Novas, la compositrice et pianiste Dona Tututa, le compositeur engagé Zézé di nha Reinalda, l’ex ministre de la culture Mário Lúcio, la jeune et talentueuse Elida Almeida mais aussi l’incontournable Toy Vieira, ancien compagnon de route de Tito Paris, de Cesária Évora et arrangeur des trois premiers albums de Lucibela…
Tout commence par une magnifique chanson d’ouverture à double-fond, Nhó Jom Seá Mi No / Ta Pinga Txápu – Txápu, dont les syncopes de guitare enjouées et la mélodie cuivrée accrochent d’emblée l’oreille. Lucibela nous plonge alors dans une chanson populaire (Nhó Jom Seá Mi No) puis dans une comptine (Ta Pinga Txapu-Txapu) popularisées en son temps par le compositeur Anu Nobu (1933-2004).
Un titre d’ouverture qui, au regard du devoir de mémoire qui habite Lucibela, s’affirme comme une véritable déclaration d’intention…
Notre voyage se poursuit avec deux titres suaves et enivrants, Salabanku écrite par Elida Almeida, une ballade solaire d’une rare finesse sur laquelle Lucibela déploie des trésors de vocalises et Bruxa, une composition de Manuel de Novas qui évoque les tourments spirituels d’une femme plongée dans les tourbillons de la passion.
La féminité ? Un thème qui tient particulièrement à cœur à Lucibela et qui était au centre de son précédent album, Amdjer (2022). Un thème qui devait également être cher à Manuel de Novas, puisqu’une seconde chanson portant sa signature, Baloí, évoque ces courageuses femmes capverdiennes vendant dans la rue des friandises et des babioles pour subvenir aux besoins de leurs enfants. « Nos sœurs à tous », précise même le compositeur et poète à la fin de sa chanson…
Si Moda Antigua met à l’honneur plusieurs générations de musiciens et de poètes capverdiens – de chansons populaires dont les noms des auteurs se sont perdus dans l’Histoire à des auteurs plus contemporains tels qu’Elida Almeida ou Mário Lúcio – il comporte aussi plusieurs titres écrits par Lucibela elle-même ainsi que par son complice de toujours, Toy Vieira. Et non des moindres, comme en témoigne notamment Diferença aux harmonies ardentes et capiteuses comme une belle fin d’après-midi d’été, mais aussi l’incandescent Lembra Tempo, hommage fiévreux aux rabecadas, ces bals populaires de São Vicente où l’on dansait jadis jusqu’au bout de la nuit au son des mornas, des coladeiras et des mazurkas…
Des compositions qui résonnent déjà comme des classiques…
En plongeant au plus profond des traditions musicales du Cap-Vert, Moda Antiga en révèle toute la riche diversité. Porté par une chanteuse en état de grâce dont la voix puissante peut basculer d’un registre solaire à la plus mélancolique des saudades en un claquement de doigt, ce nouvel album « à l’ancienne » rend hommage à un patrimoine musical séculaire tout en l’éclairant d’un jour nouveau.
Un album que vous pouvez écouter ou acheter sur les différentes plateformes via ce lien.
Retrouvez Lucibela le 15 novembre au Café de la Danse
C’est armée de ce magnifique nouvel opus que Lucibela nous donne rendez-vous le 15 novembre au Café de la Danse, une salle à dimension humaine qui permettra d’apprécier au mieux la générosité et le talent de la chanteuse capverdienne, mais aussi celui des musiciens qui l’accompagnent sur scène.
Pour vous donner un petit avant-goût de ce qui vous attend, voici des extraits d’un concert donné à Nashville en 2022 à l’occasion de la tournée pour son précédent album, Amdjer.
Rendez-vous pris pour le 15 novembre au Café de la Danse et nous vous conseillons d’être ponctuels car c’est la jeune chanteuse Kátia Semedo, née à São Tomé et Príncipe – mais petite-fille de grands-parents paternels cap-verdiens – qui nous gratifiera d’une première partie de choix ! Installée au Cap-Vert depuis 2014, elle a sorti l’an passé son tout premier EP, Caminho de São Tomé, sur le label Harmonia.
Crédits photo principale : Lucibela © Rita Carmo
FICHE CONCERT
- ARTISTE : Lucibela
- DATE & HORAIRE : Le 15 novembre 2024 à 19h30
- LIEU : Café de la Danse
- ADRESSE : 5 passage Louis Philippe 75011 Paris
- TARIFS : De 23 à 28.50 €
- RÉSERVATIONS : seetickets.fr