Il arrive parfois qu’un simple travail vire au cauchemar et l’on se demande alors, impuissant, comment on a pu en arriver là. Car si le travail peut apporter une dignité à l’homme, l’aider à s’intégrer et à se sentir utile, la réalité est bien différente dans le cas présent. Le premier long métrage du réalisateur québécois Pier-Philippe Chevigny explore ainsi le monde du travail et pointe du doigt les conditions déplorables des immigrants guatémaltèques dans une usine au Canada.
Une vie entre l’enclume et le marteau
Arianne, la protagoniste de notre histoire, habite à Richelieu, une ville industrielle du Québec. Cette jeune femme, qui a des origines latino-américaines de côté de son père, vient d’accepter un travail en tant que traductrice dans une usine de transformation de maïs pour coordonner le travail des immigrants guatémaltèques. Rapidement, elle prend conscience de la triste situation dans laquelle se trouvent ces ouvriers exploités en toute impunité par leur entreprise.
Le personnage d’Ariane, interprété brillamment par l’actrice Ariane Castellanos, dévoile toute la complexité d’un système où les individus ne sont que les pièces interchangeables d’une machine toute-puissante, une machine qui ne peut s’arrêter et dont l’objectif premier est de produire au moindre coût.
Ariane se retrouve ainsi écartelée entre la nécessité de travailler pour payer la maison qu’elle vient d’acheter et la défense de ces malheureux en quasi situation d’esclavage à des milliers de kilomètres de chez eux. La même situation est vécue par le patron de l’entreprise incarné par l’acteur français Marc-André Grondi, révélé en 2005 dans C.R.A.Z.Y.
« Mon film dénonce l’exploitation que subissent ces travailleurs étrangers. Je voulais que le patron qui les emploie ne soit pas l’archétype du méchant, qu’il soit plus nuancé. Pour moi, ce ne sont pas les individus qui sont à blâmer, mais un système où tout le monde est à la fois victime et complice. », explique ainsi Pier-Philippe Chevigny.
Des enjeux économiques et sociaux
Dissidente ne fait pas les choses à moitié et révèle une réalité brute que personne ne souhaite réellement voir. Avec sa caméra, le réalisateur s’immisce dans le difficile quotidien de ces travailleurs qui, dépouillés de leurs droits, sont à la merci de leurs employeurs et prêts à accepter tout ce qu’on les demandera. Des immigrants happés par une précarité « légale » et qui rentreront dans leur pays une fois leur contrat achevé. En attendant de revenir éventuellement l’année d’après…
Pier-Philippe Chevigny pose comme thème principal de son film des enjeux économiques et sociaux clés dans nos sociétés contemporaines. Un thème qui lui tient particulièrement à cœur comme en témoignent ses précédents court-métrages, comme Tala, qui s’intéressait aux aides ménagères philippines travaillant dans des familles de la bourgeoisie québécoise.
« La nourriture est plus ou moins abordable parce que quelqu’un au bout de la chaîne de production est exploité. N’est-ce pas le temps de refuser ce système en acceptant de payer un peu plus cher nos courses ? » s’interroge le réalisateur. Une question à laquelle il est plus que temps de répondre.
Crédits photos : Les Alchimistes (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : Dissidente
- De : Pier-Philippe Chevigny
- Avec : Arianne Castellanos, Marc-André Grondin, Nelson Coronado
- Date de sortie : 5 juin 2024
- Durée : 1h29 min
- Distributeur : Les Alchimistes