Vous avez jusqu’au 12 mai pour découvrir au musée du Jeu de Paume l’œuvre de Tina Modotti. Pour cette première grande exposition à Paris consacrée à la photographe et activiste politique italienne, le Jeu de Paume présente près de 240 clichés dédiés pour l’essentiel à sa période mexicaine. En effet, c’est en plein Mexique postrévolutionnaire que Modotti s’engage politiquement en même temps qu’elle développe une photographie qui met dans le devant de la scène les populations pauvres, notamment les femmes.
Une existence marquée par des événements historiques majeurs
La vie de la photographe italienne Tina Modotti n’a pas été un long fleuve tranquille, mais plutôt un puissant et sinueux torrent courant des deux côtés de l’Atlantique, entre l’Europe et l’Amérique. Elle fut un témoin privilégié d’événements historiques majeurs des années 1920 et 1930 et même directement en première ligne pour les réformes agraires postrévolutionnaires au Mexique ou la guerre d’Espagne.
Née dans le Nord de l’Italie à Udino au sein d’une famille ouvrière, elle rejoint son père parti travailler à San Francisco dès seulement 16 ans. Elle y trouve un premier emploi de couturière avant de devenir mannequin pour un prestigieux magasin de mode. En 1918, attirée par le cinéma, elle se lance et entame une carrière d’actrice à Hollywood.
C’est à Los Angeles qu’elle rencontre le photographe Eduard Weston qui en fait son égérie, puis son amante. En 1923, le couple part au Mexique. Tina Modotti est séduite par les habitants et la culture de ce pays. Ses premiers travaux, publiés dans le magazine El Maestro rural, sont fortement influencés par le style formaliste et épuré de Weston.
Rapidement, les photographies de Tina Modotti prennent un profil qui leur sont propres, se centrant sur les travailleurs, les paysans, les peuples indigènes et les problématiques sociales vus sous un angle féminin. Elle rejoint rapidement le cercle des artistes et des intellectuels, entourée d’autres femmes talentueuses telles que la photographe Lola Álvarez Bravo, la peintre Aurora Reyes et Carmen Mondragón, connue sous le nom de Nahui Olín.
En 1927, à l’instar de Frida Kahlo et Diego Rivera, elle adhère au Parti communiste mexicain. En tant qu’artiste militante, Tina Modotti exprime son engagement politique à travers sa photographie. Elle a ainsi mis à mal les stéréotypes associés à la figure féminine en immortalisant la force des femmes travailleuses ou la marginalisation des femmes indigènes.
Le 10 janvier 1929, un événement tragique bouleverse sa vie : son compagnon Julio Antonio Mella, leader étudiant cubain exilé au Mexique, est assassiné par des tueurs à gages mandatés par le gouvernement cubain. La presse locale entame alors une campagne de diffamation visant à accuser la photographe d’avoir mis en oeuvre un prétendu crime passionnel.
Peu après, en février 1930, Tina Modotti est expulsée du Mexique et ne reprend pas son travail artistique. Après avoir s’être vue rejetée par les gouvernements des États-Unis, de Cuba et des Pays-Bas, elle se rend à Berlin où elle fait l’expérience frontale de la terreur nazie, avant de s’installer en Union soviétique.
Elle se rend ensuite en Espagne pendant la Guerre civile et se retrouve engagée au sein du 5e régiment. Elle aide ainsi les brigades internationales et s’occupe des orphelins de guerre durant l’exode républicain. En 1939, elle retourne au Mexique où elle rejoint des groupes antifascistes et poursuit son militantisme politique contre le fascisme allemand. Elle meurt le 5 janvier 1942. Ses funérailles sont suivies par sa famille, ses amis, des militants, des artistes, des intellectuels de gauche, mais aussi par de simples travailleurs mexicains.
Parcours de l’exposition
La première partie de l’exposition explore son passage à Hollywood ainsi que sa rencontre avec Edward Weston. Le visiteur découvre ainsi le film muet The Tigers Coast, tourné en 1920 et les premiers portraits de Tina réalisés par Weston qui témoignent de la grande complicité qui existait entre eux deux. Cette section inclue également des photos d’un album familial où l’on découvre d’autres portraits de Modotti habillée en danseuse ou vêtue d’un pantalon. Des clichés qui révèlent la personnalité indépendante de cette femme déterminée.
La rétrospective se poursuit avec ses premières années en tant que photographe et son basculement vers une approche plus singulière au milieu des années 1920. Les œuvres de Weston, dont le formalisme a beaucoup marqué la production de Modotti, dialoguent avec celles de la photographe qui cherche déjà un regard plus personnel, comme on peut le constater dans l’œuvre « Rosas » (1924).
La troisième partie de l’exposition met en lumière les nombreux portraits consacrés au peuple mexicain : paysans, porteurs, vendeuses sur les marchés, lavandières et enfants miséreux passent sous l’objectif de la caméra de Modotti. À noter, son reportage sur les femmes de Tehuantepec, qu’elle représente comme des individus qui travaillent, participent à la vie politique ou s’occupent de leur entourage, à l’opposé d’une conception de la femme comme simple objet de plaisir visuel.
Le parcours s’achève sur la photographie politique de Modotti dont la célèbre Femme au drapeau (1928) qui illustre l’affiche de l’exposition est le point culminant. Cette femme d’origine modeste, qui porte de vêtements ordinaires, marche déterminée le drapeau rouge posé sur son épaule. C’est une Mexicaine forte et digne qui, au-delà du message politique, s’impose comme le symbole d’une femme prenant en main son destin.
Crédits photo principale : Hommes lisant El Machete vers 1929 © Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico
INFORMATIONS PRATIQUES
- TITRE : Tina Modotti, l’œil de la révolution
- LIEU : Jeu de Paume
- ADRESSE : 1, place de la Concorde, Jardin des Tuileries 75001 Paris
- HORAIRES : mardi de 11h à 21h / Du mercredi au dimanche de 11h à 19h
- DATES : jusqu’au 12 mai 2024
- ENTRÉE : 12 – 9 €
- RENSEIGNEMENTS : Jeu de Paume