Avec son affiche bigarrée signée de l’artiste colombien NARCO représentant le pape du jazz libre, Sun Ra, cette 41ème édition de Banlieues Bleues a le mérite d’annoncer clairement la couleur. À l’instar du « prophète du jazz moderne », le festival a branché ses antennes cosmiques sur les échos les plus insolites d’une constellation de sons et nous est revenu avec une programmation plus foisonnante que jamais. Du 8 mars au 5 avril, soyez prêt à changer de paradigme…
Une programmation plus audacieuse et ouverte que jamais
Une quasi absence de têtes d’affiches doublée d’une programmation éclectique qui met en avant les trublions les plus créatifs du jazz, des musiques actuelles, du hip-hop, du rock et de la sono mondiale, telle est la marque de fabrique de Banlieues Bleues.
À l’heure où la prise de risque et la création ne font plus vraiment partie du logiciel des grands festivals, un tel positionnement se doit d’être salué tant pour son esprit d’ouverture que pour son refus de s’uniformiser.
Passer au crible l’ensemble de la programmation de cette 41ème édition n’est ni possible ni souhaitable, mais vous pouvez néanmoins la retrouver en intégralité ici. Soyez certains d’y retrouver une multitude de propositions musicales destinées à vous retourner le cerveau…
Une soirée d’ouverture gratuite à l’Université Paris VIII
Rendez-vous dès le 8 mars à l’Université de Saint-Denis pour une soirée d’ouverture gratuite sur inscription avec pas moins de six artistes ou formations à l’affiche.
Au programme, la jam session des Hauts de Belleville Lemon Jam, un solo de la saxophoniste américaine Sakina Abdou, le jazz mutant et inclassable de Parasite Jazz, une lecture musicale de Deux secondes d’air qui brûle (Le Seuil, 2022) par sa jeune autrice Diaty Diallo, la soul enivrante de Cleo Reed and the Black American Circus ainsi que les arpèges hypnotiques de la chanteuse et harpiste Sophye Soliveau.
Notez aussi qu’en cette Journée internationale des droits des femmes, une grande table ronde « Sexisme et inégalités de genre dans la musique, quelles réponses concrètes ? » vous est aussi proposée. Le type de questions que chaque institution ou corps de métier devrait prendre le temps de se poser…
Une soirée gratuite sur réservation via le site de Banlieues Bleues !
Les artistes latins à Banlieues Bleues
Le 14.03. Pedro Soler & Gaspar Claus à la Maison du Peuple de Pierrefitte
Un père et un fils, une guitare et un violoncelle pour la plus renversante des odyssées flamencas.
Figure historique du flamenco traditionnel, Pedro Soler a été le compagnon de route de Pepe de la Matrona, Carmen Amaya et d’Enrique Morente, mais a aussi su s’ouvrir à d’autres styles en jouant notamment avec Atahualpa Yupanqui ou Maria Bethânia.
Son fils, Gaspar Claus, est parvenu quant à lui à trouver sa propre voie, celle d’un musicien inclassable, aussi à l’aise dans la sphère des musiques improvisées que dans l’écriture de pièces bien plus accessibles comme Tancade, son magnifique premier album solo paru en 2021.
« S’il y a une chose que j’ai hérité de mon père, de sa pratique, c’est bien de confronter mon jeu à celui des autres… » nous explique Gaspar Claus. Sur scène, le flamenco archaïque du père se confronte aux nouvelles expressivités du fils pour un dialogue aussi intense qu’émouvant. À voir absolument.
Le 2.04. Amaro Freitas & Mike Reed’s Separatists Party à La Dynamo
Révélé à l’international en 2021 avec Sankofa, son troisième album qui explorait sous le prisme du piano jazz les polyrythmies du frevo et du maracatu nordestins,Amaro Freitas débarque sur la scène de la Dynamo pour un piano solo (dé)tonnant.
Considéré comme l’un des pianistes les plus originaux de sa génération, Amaro Freitas s’est éloigné pour un temps des ambiances urbaines et carnavalesques de son Recife natal pour se perdre au plus profond de la jungle amazonienne… Il en ressort avec Y’Y, un nouvel opus en forme hommage au Poumon vert de la terre, à sa faune, à sa flore, à ses rivières, à ses esprits : « un appel à vivre, à ressentir, à respecter et à prendre soin de la nature, en la reconnaissant comme notre ancêtre » nous dit-il.
Si vous vous demandez comment retranscrire les bruissements de Mère Nature sur des touches d’ébène et d’ivoire, dîtes-vous simplement qu’avec autant de talent, rien n’est impossible…
Ce sera ensuite le batteur Mike Reed, figure majeure de la scène jazz de Chicago, qui investira la scène de la Dynamo avec à ses côtés le poète Marvin Tate, le cornettiste Ben Lamar Gay et le trio post-rock Bitchin Bajas. Une congrégation de talents qui fait sens au regard de la riche histoire musicale de Chicago, une ville où musiciens de tous bords se sont toujours allègrement mélangés et influencés mutuellement.
Le 3.04. Fantazio & Estrellas del Caribe à la salle Jacques Brel de Pantin
Avec sa nouvelle création, Peuple fiction, pour laquelle « chaque corps est un peuple, et chaque âme une fiction sans limites », le fantasque contrebassiste Fantazio va nous emmener très loin, jusqu’en Argentine, en quête de ses racines, ou même en Colombie où il s’est récemment retrouvé à siroter une bouteille de Biche, l’alcool artisanal des Caraïbes, en compagnie de Leonel, le leader des Estrellas del Caribe.
Contrebassiste, chanteur, performer, Fantazio est l’une des personnalités musicales les plus atypiques de l’Hexagone, un artiste résolument à part, à voir sur scène absolument !
Puis, ce sera au tour de la tornade colombienne Estrellas del Caribe de monter sur scène. Fondée en 1975 au Palenque de San Basilio, là où est née il y a plus de quatre siècles la première communauté autonome africaine du Nouveau Monde, Estrellas del Caribe distille l’une des musiques les plus afros du continent. Ces maestros de la champeta criola vont littéralement vous mettre sur les rotules avec leurs rythmes tachycardiques dopés au soukous, au highlife, au compa et à la soca des Caraïbes. Cardiaques s’abstenir, soyez prêts pour la transe !
Le 5.04. Angel Bat Dawid & Estrellas del Caribe
Coup d’envoi de cette vibrante soirée de clôture avec le spiritual jazz made in Chicago de la clarinettiste et claviériste Angel Bat Dawid. Un concert où la Great Black Music sera à l’honneur, en particulier l’esprit de son prophète interstellaire Sun Ra, dont Angel Bat Dawid clame haut et fort l’héritage spirituel et politique.
Vous reprendrez bien une palanquée de rythmes afro-colombiens ? 48 heures après avoir mis le feu à Pantin, Estrellas del Caribe remontera sur scène pour s’occuper du cas d’Aubervilliers. Tenez-vous prêts !
Les autres coups de cœur du festival
Au fil de ces cinq semaines de festivités, pas moins d’une quarantaine d’artistes ou de formations vont se relayer sur scène. Une véritable orgie de musiques et de sons !
Au programme, plusieurs fleurons de la sono mondiale comme Mamani Keita et Vieux Farka Touré (le 20.03), les bonnes vibes tropicalisées d’Hollie Cook (le 16.03), le renversant rappeur de Kinshasa Lova Lova (le 30.03) ou le raï 2.0 de Sofiane Saïdi (le 28.03).
Mais ne passez pas non plus à côté de l’électro onirique de Fabrizio Rat & Etienne Jaumet (le 9.03), du hip-hop acéré de l’ex Antipop Consortium, M. Sayyid et du britannique GAIKA (le 15.03) ou de ce florilège de dissonances avec le post-rock radicalisé de Boolvar et Mourir à la FNAC (le 27.03), le post-punk libérateur du collectif d’a(R)tistes a(U)tistes Astéréotypie (le 31.03) ou cette carte blanche au festival Sonic Protest (le 16.03) qui fête cette année ses 20 ans d’existence.
Plus qu’une programmation, une vraie dinguerie, alors M.E.R.C.I Banlieues Bleues !
INFORMATIONS PRATIQUES
- ÉVÉNEMENT : Festival Banlieues Bleues
- LIEUX : Seine-Saint-Denis
- DATES : Du 8 mars au 5 avril 2024
- RENSEIGNEMENTS : www.banlieuesbleues.org
- TÉLÉPHONE : 01 49 22 10 10