Présenté à l’ACID, la section parallèle du festival de Cannes, Polaris, est l’opera prima de la réalisatrice espagnole Ainara Vera. Un film documentaire qui est né d’une rencontre fortuite mais capitale avec Hayat, une capitaine de navire. Avec la jeune cinéaste, originaire de la ville de Pampelune, nous avons parlé de femmes fortes, des étoiles qui nous guident sur notre chemin ainsi que du tournage du film dans la fascinante région Arctique.
Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce film documentaire qui a pour principal sujet Hayat, une capitaine de navire qui parcourt la mer Arctique ?
J’ai rencontré Hayat en travaillant sur un tournage. À l’époque, je faisais partie de l’équipe d’un film documentaire du réalisateur russe Victor Kossakovsky. Pendant ce tournage, en plein hiver, nous avons entrepris un voyage en voilier du Portugal au Groenland. Un voyage que pratiquement aucun voilier ne fait jamais en raison des conditions maritimes difficiles. Hayat était le capitaine de ce navire et nos vies étaient littéralement entre ses mains. Cette femme forte a profondément attiré mon attention, à fortiori suite à une nuit de confidences eu cours de laquelle elle m’a en partie parlé de son passé. À ce moment-là, sa sœur était en prison et elle n’a pas osé lui rendre visite. Je me suis promise qu’un jour, je l’accompagnerai voir sa sœur. C’est ainsi que cette aventure a commencé .
Sa petite sœur, Leila, ainsi que la relation entre les deux sœurs, marquée par un passé douloureux, tient une place importante dans Polaris. Comment s’est déroulé la rencontre avec Leila ?
Leila est venue avec Hayat m’accueillir à l’arrivée du train. Leila était enceinte de sept mois et la première chose qu’elle a faite a été de m’aider avec ma valise. J’ai tout de suite senti que Leila avait un grand cœur, même si la vie l’avait malmenée. J’ai beaucoup appris avec Leila.
« J’ai choisi d’inclure le paysage comme une facette supplémentaire à la personnalité nuancée d’Hayat »
Pouvez-vous nous parler du tournage du film qui s’est effectué en partie dans l’Arctique ?
Pendant mon séjour en Arctique, j’ai senti que c’était un territoire dans lequel je ne devais pas être, comme si le fait de filmer avec ma caméra était une façon de plus de coloniser ce lieu reculé du monde. Pourtant, ce territoire me fascinait complètement. C’est donc avec cette dualité, ces sentiments ambivalents, que j’ai filmé de la façon la plus respectueuse possible, avec toujours en tête l’idée de partager cette beauté avec tous ces gens qui ne pourront jamais s’y rendre personnellement.
Le froid, la mer gelée, les paysages arctiques fonctionnent comme une métaphore de la souffrance d’Hayat qui semble chercher à vivre le plus loin possible de son passé…
L’une des premières choses qu’elle m’a dite était qu’elle ne faisait plus confiance aux humains et qu’elle s’était enfuie dans l’endroit le plus reculé possible pour trouver la paix. La nature et plus précisément les paysages de l’Arctique ont permis cette réconciliation avec l’être humain. J’ai choisi d’inclure le paysage comme une facette supplémentaire à la personnalité nuancée d’Hayat.
D’où vient le titre Polaris ?
Les anciens marins naviguaient en regardant les étoiles et utilisaient un sextant pour connaître leur position sur Terre. Polaris, l’étoile polaire, nous indique où se trouve le nord. Je pense qu’Hayat a toujours réussi à surmonter les moments les plus difficiles de son existence car elle savait où elle voulait aller, quelque chose en elle lui disait « tu dois continuer ici ». Le mot Polaris fait référence à la navigation, mais aussi à ce qui nous guide et nous aide à vivre.
Quels sont vos prochains projets ?
Je suis superstitieuse. Je pense que si je partage mes idées à un stade précoce… elles ne se produiront pas !
Retrouvez ici notre chronique du film Polaris.
Crédits photo principale : Ainara Vera © Pol Roig
FICHE DU FILM
- Titre du film : Polaris
- De : Ainara Vera
- Avec : Hayat Mokhenache, Leila Mokhenache
- Date de sortie : le 21 juin 2023
- Durée : 1h18
- Distributeur : Jour2fête
