Ce n’est pas la première fois qu’Inés Maria Barrionuevo se plonge dans l’univers de l’adolescence. Dans Camila sortira ce soir, à l’affiche actuellement au cinéma, la réalisatrice nous livre un portrait intense et engagé des jeunes argentins d’aujourd’hui. Nous l’avons rencontré pour parler de ce quatrième long métrage présenté en septembre au dernier Festival de San Sebastián.
Comment l’idée de réaliser Camila sortira ce soir, une histoire sur l’adolescence, le féminisme et le harcèlement dans le Buenos Aires contemporain, vous est-elle venue ?
J’ai voulu aborder la question des nouvelles générations. Ces jeunes ont des mentalités bien plus libres que celles des générations précédentes. En ce sens, j’ai participé aux marches pour la loi sur l’avortement ainsi qu’aux éternelles veillées nocturnes. Pour moi, en tant que cinéaste, il était important d’être là et d’observer ce mouvement.
Sur place, j’ai rencontré beaucoup de jeunes filles et même des pré-adolescents. Tout ça m’a beaucoup inspiré pour le film. Mais je dois dire que nous avons travaillé sur le scenario de Camila sortira ce soir du point de vue d’une fiction, sans chercher à être fidèle à une réalité précise.
Je n’ai pas cherché non plus à édulcorer cette réalité. Par exemple, pour ce qui est du harcèlement, j’ai voulu traiter ce thème dans le film car c’est quelque chose qui fait partie intégrante de la mécanique scolaire actuelle.
Ce n’est pas la première fois que vous vous penchez sur le sujet, vous l’avez fait déjà dans votre film Los motivos. Qu’est-ce que signifie pour vous cette période de la vie si riche en bouleversements ?
Effectivement, au risque d’être répétitive, c’est une thématique qui m’intéresse tout particulièrement et que j’ai déjà exploré dans mes autres films. Au final, il nous arrive souvent d’être pris par les mêmes sujets, des sujets qui résonnent fortement en nous.
L’adolescence est comme une sorte de lieu où tout est sur le point d’arriver, où tout est encore, d’une manière ou d’une autre, en devenir. Être adolescent, c’est déjà en soi un très gros conflit. Cela génère des personnages qui ont un pouvoir énorme, qu’on a envie de suivre, dont on veut savoir ce qui leur arrivera finalement en cours de route. Le conflit est déjà là.
Et puis, je voulais aborder l’adolescence par le prisme des jeunes d’aujourd’hui. C’était quelque chose de nouveau pour moi, ce qui impliquait un certain risque car je risquais d’être influencée par mon vécu, par a propre expérience en tant qu’adolescente. J’ai donc essayé d’être très prudente et de ne refléter que ce que je voyais aujourd’hui.
« Lorsque Nina est apparue, il était clair qu’elle était le personnage principal. C’est une comédienne qui facilite le travail, qui est appréciée et respectée »
Camila, la protagoniste de l’histoire, déménage de La Plata à Buenos Aires et commence à fréquenter une école religieuse très traditionaliste, qui choque par la plupart de ses idées et sa façon d’agir. Quels ont été les principaux défis à l’heure de recréer ces deux mondes ?
Le défi a été de traiter subtilement tous les problèmes que traverse Camila suite au changement d’école et de vie. Que le contraste, aussi évident soit-il, reste toujours mitigé. Que tous ceux qu’elle rencontre ne soient pas mauvais envers elle, qu’elle trouve de la chaleur chez certains ainsi qu’un refuge dans un monde apparemment hostile. Et ensuite, à partir de là, construire l’intrigue.
Comment avez-vous travaillé le rôle de Camila avec l’actrice Nina Dziembrowski ?
Nous avons travaillé avec Soledad San Martín sur le casting et nous avons toujours pensé que la première chose à faire était de trouver cette Camila, puis son environnement, sa famille et ses amis. Lorsque Nina est apparue, il était clair qu’elle était le personnage principal. C’est une comédienne qui facilite le travail, qui est appréciée et respectée. Elle comprend parfaitement ce qu’elle a à faire et le fait comme si cela ne lui coûtait rien. Ça transparait à la caméra et c’est unique, parce que c’est quelque chose qui est juste en train de naître. Elle a assumé le rôle principal de ce film du début à la fin alors qu’elle a à peine dix-huit ans.
En voyant le film, on sent que la société argentine est très polarisée et que les changements de mentalité se sont surtout produits parmi les jeunes. Qu’en pensez-vous ?
L’Argentine est le fer de lance du mouvement féministe. Je l’ai vu comparé à d’autres pays. Cela a généré un « féminomètre » féministe comme je l’appelle, qui vire toujours au rouge. Cela a beaucoup à voir avec un pays qui a derrière lui une tradition de grands mouvements sociaux, mais aussi une histoire avec des femmes de générations précédentes qui n’ont pas eu la vie facile. Je ne dis pas par-là que nous avons la vie facile maintenant, mais les progrès acquis ces cinq ou six dernières années sont énormes. Les jeunes femmes sont très engagées.
Quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour le film ?
Des cassettes VHS de films américains de l’époque du lycée que je louais quand j’étais petite au vidéo club en passant par le cinéma français et sa belle façon de raconter les histoires. En sachant que nommer quelque chose, c’est laisser de côté beaucoup d’autres qui, selon moi, font partie de l’esprit de ce film.
Retrouvez ici notre chronique du film Camila sortira ce soir.
Crédits photo principale : Inès María Barrionuevo © Outplay Films
FICHE DU FILM
- Titre du film : Camila sortira ce soir
- De : Inés María Barrionuevo
- Avec : Nina Dziembrowski Hernández, Bruno Lastra, Carolina Rojas
- Date de sortie : le 7 juin 2023
- Durée : 1h43
- Distributeur : Outplay Films