Après un premier moyen métrage, See you Tomorrow, God Willing !, qui nous plongeait dans le quotidien de bonnes sœurs franciscaines au sein d’un couvent en Espagne, Ainara Vera met le cap vers le Nord pour son premier long métrage, Polaris. Dans ce documentaire, la réalisatrice espagnole esquisse le portrait sensible de deux sœurs qui portent en elles les blessures indélébiles d’une enfance difficile.
L’appel du Grand Nord
Le vent souffle en rafales sur une mer gelée qui se confond par moments avec un ciel d’un blanc quasi immaculé. Plus loin au large, au milieu des icebergs, un bateau avance doucement mais inexorablement, se frayant un chemin dans ces contrées inhospitalières où seuls les plus forts peuvent survivre. C’est le navire d’Hayat, une femme capitaine qui parcourt l’océan Arctique, loin des Hommes et d’un passé douloureux qu’elle a laissé derrière elle en France.
Ce froid intense et omniprésent qui engourdit les corps et les âmes est pour Hayat un remède à ses souffrances, une sorte de baume anesthésiant qui laisse en suspens ses souvenirs d’un autre temps : « Je suis la fille d’une camée et d’un père inconnu » dit-elle ainsi… Non, la vie n’a pas été tendre pour Hayat ainsi que pour sa sœur, Leila. Cette dernière s’apprête à être mère célibataire et ne peut compter que sur Hayat pour l’aider à élever sa petite fille. Bouleversées par cette nouvelle naissance, elles essaieront de surmonter chacune à leur façon ce lourd fardeau familial qui les lie.
L’importance des silences
Dans ce beau film documentaire, Ainara Vera a choisi de laisser parler les silences qui s’avèrent aussi essentiels que les mots. Un procédé qui confère au film un halo de mystère puis, au fur et au mesure que l’action se déroule, une rare intensité. La caméra de la cinéaste, qui a suivi au plus près pendant des mois la vie des deux protagonistes, s’immisce dans leur quotidien avec délicatesse et une extrême bienveillance, dans l’attente de ces moments qui permettent au spectateur de saisir toute la complexité de leur parcours.
« Je pars toujours du principe que le spectateur est très intelligent. Pas question pour moi de décrire avec une voix off ce que l’on est déjà en train de voir à l’image, par exemple. Je partage l’idée que Byung Chul-Han développe dans son essai (Sauvons le beau : L’esthétique à l’ère numérique, 2016) : il affirme que l’art est lié à ce qui ne se révèle pas, à tout ce qui reste dans la pénombre. Je ne voulais pas réaliser un documentaire qui raconte les souffrances que ces deux sœurs ont endurées. Il fallait qu’on puisse regarder leur vie à travers un prisme plus spirituel et philosophique qui nous montre comment l’amour et le manque d’amour affectent et orientent nos vies. »
Crédits photos : Jour2fete (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : Polaris
- De : Ainara Vera
- Avec : Hayat Mokhenache, Leila Mokhenache
- Date de sortie : 21 juin 2023
- Durée : 1h 18 min
- Distributeur : Jour2fete