Présenté en 2021 à la semaine internationale de la critique au festival de Venise, La mine du Diable de Matteo Tortone est, comme l’explique son réalisateur, « une métaphore de la relation entre les hommes et la fortune ». Un film qui décline le récit poignant d’un jeune orpailleur péruvien qui, comme tant d’hommes et de femmes depuis la nuit des temps, rêve d’une vie meilleure.
Dans une banlieue de Lima
C’est une voix off qui ouvre le récit. Une voix grave et profonde qui nous parle tandis que sous nos yeux, une bataille de coqs d’où il ne sortira qu’un vainqueur fait rage. La mort et la pauvreté rôdent autour de cette banlieue à la périphérie de Lima dans laquelle réside Jorge, un jeune chauffeur de moto-taxi.
La nuit, avant de dormir, il contemple les lumières chevrotantes de ce bidonville constitué de cabanes en bois aux toits en tôle ondulée. Un bidonville qui s’étend à perte de vue… Le jour, il se bat pour gagner les quelques sous qui lui permettront de subvenir aux besoins de sa femme et de sa fille. Quand son vieux moto-taxi à trois roues rend l’âme, le jeune père de famille décide de tenter sa chance en se rendant sur la cordillère des Andes pour travailler dans une mine d’or.
La quête de l’or, la quête du bonheur et la perspective d’échapper à une vie de misère sont le moteur de cette histoire : « Il y a beaucoup d’histoires liées à l’or : sur la possibilité de s’enrichir facilement, sur la superstition. J’ai cherché pendant des années une histoire et un endroit qui me permettrait de parler de ça. Quand j’ai entendu parler de La Rinconada, j’ai été fasciné par son paysage, qui évoque celui de la lune. C’est un endroit du bout du monde et sur le plan esthétique, il était tout simplement parfait pour rendre compte du lien entre le présent et l’éternité. » souligne ainsi Matteo Tortone.
La Rinconada, la demeure du diable
Au pied du glacier Ananea Grande, perché à 5100 mètres d’altitude, se trouve La Rinconada, une petite ville d’à peine quelques milliers d’âmes. C’est dans cette bourgade inhospitalière qui débarque Jorge avec son sac-à-dos à l’épaule. Comme lui, des milliers de travailleurs saisonniers arrivent de toutes parts, aveuglés par la fièvre de l’or et l’espoir de faire fortune.
Dans cette contrée au paysage lunaire, de sombres légendes courent au sein de la population locale… Il se dit que la mine est la demeure du diable et que l’or lui appartient. Pour que les hommes continuent d’exhumer ces pépites qui se font de plus en plus rares, l’ange noir exige toujours plus de sacrifices… Afin de supporter la solitude, le froid intense et le travail harassant, Jorge se rend souvent dans un bar de mineurs dans lequel il dépense le peu d’argent qu’il gagne en alcool. Son rêve vire ainsi très vite au cauchemar…
Entre film documentaire et fiction, Matteo Tortoni signe un film social bouleversant qui explore les rêves et la détresse des plus démunis. Tourné dans un noir et blanc d’une beauté sidérale, La mine du diable dégage une puissance visuelle tellurique. Ce parti pris esthétique fort confère à ce désert de pierre, de roches et de boue cerclé par des sommets enneigés un caractère volontiers onirique qui fait écho aux ambitions du jeune protagoniste.
Une fable qui rend hommage à ces hommes dévorés par la terre et dont personne ne se souvient…
Crédits photos : Juste Docs (photo de couverture)
FICHE DU FILM
- Titre original : La mine du Diable
- De : Matteo Tortone
- Date de sortie : 19 avril 2023
- Durée : 1h 26 min
- Distributeur : Juste Doc