Parmi les nombreuses qualités des romans d’Almudena Grandes, l’une des plus reconnues est sans nul doute sa capacité à mettre en lumière la vie de personnages oubliés, pris dans le tourbillon de l’Histoire, exhumant ainsi des événements méconnus et passés sous silence à jamais. Cinquième volet des Épisodes d’une guerre interminable, la regrettée écrivaine madrilène décédée en novembre dernier aborde avec Les secrets de Ciempozuelos les épouvantables conditions dans lesquelles vivaient les malades mentaux, notamment les femmes, dans les centres psychiatriques à l’époque de la dictature franquiste.
Le personnage d’Aurora Rodríguez Carballeira, qui a inspiré en grande partie ce roman, trottait dans la tête d’Almudena Grandes depuis des années. Aurora Rodríguez Carballeira est peut-être le parricide la plus connue de la chronique noire espagnole. Cette femme d’une intelligence aigüe, obsédée par les théories eugénistes, a fini par tuer sa fille Hildegart Rodríguez Carballeira, un enfant qu’elle a conçu comme une sorte d’expérience scientifique afin que cette dernière serve de modèle à la femme espagnole du futur.
Mais dans ce roman choral, le véritable protagoniste du récit est Germán Velázquez, un jeune psychiatre qui revient en Espagne en 1954 pour travailler dans un asile pour femmes situé à Ciempozuelos, dans la banlieue de Madrid. Après avoir fui l’Espagne suite à la victoire franquiste et avoir vécu exilé en Suisse au sein d’une famille juive pendant près de quinze ans, le jeune homme retrouve une Espagne sombre, marquée au fer rouge par le régime.
Avec Les secrets de Ciempozuelos, Almudena Grandes, nous livre un roman lumineux, à la prose fluide, qui s’écoule comme un fleuve. L’écrivaine construit de manière magistrale une galerie de personnages touchants et d’un réalisme saisissant. Un excellent ouvrage à travers lequel elle rend hommage à ces femmes qui ont tant souffert et qui restera comme le dernier épisode de sa production sur la guerre et l’après-guerre espagnole.
« J’ai écrit ce livre en mémoire de toutes ces femmes qui passèrent directement de la tutelle de leur père à celle de leur mari, et qui perdirent la liberté que leurs mères ont connue pour ne retrouver que bien plus tard celle dans laquelle nous, leurs filles, avons vécu. »
Crédits photos : Ivan Giménez – Tusquets Editores (Portrait Almudena Grandes)
INFOS ÉDITEUR
- Titre original : La madre de Frankenstein
- Auteur : Almudena Grandes
- Langue originale : espangol
- Traduction : Anne Plantagenet
- Publication : mars 2022
- Éditeur : JC Lattès
- Pages : 501